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Vue d’ensemble, à très larges traits, l’histoire des rapports de la nation française et de la nation germanique peut se résumer ainsi. Il y a eu antagonisme, conflit violent, chaque fois que l’Allemagne a été une grande construction politique, que ce fût l’Allemagne d’Othon (Bouvines), de Charles-Quint (deux cents ans de lutte contre la maison d’Autriche) ou des Hohenzollern, avec toutes les différences que le régime des Othon, des Charles ou des Guillaume comportait. Au contraire, chaque fois que l’Allemagne s’est retrouvé formée de plusieurs États indépendants, n’ayant entre eux que les liens peu tendus d’une fédération plus ou moins cohérente, non seulement les guerres ont été rares, localisées et dépourvues de ce caractère national qui les rend impitoyables, mais encore les divers peuples allemands se sont montrés accessibles à la civilisation française. On ne peut citer aucune époque où l’empreinte germanique se soit marquée profondément sur la France. Il y a eu, au contraire, une époque où la France a trouvé en Allemagne des admirateurs, des alliés et des amis : c’est au XVIIme et au XVIIIme siècles, lorsque l’Allemagne, selon le mot du prince de Bülow, était une « mosaïque disjointe », au lieu de constituer un corps de nation.

L’expérience a donc prouvé que les deux peuples n’étaient pas impénétrables ni condamnés à une hostilité éternelle. Mais, jusqu’ici, cette entente entre Allemands et Français n’a pu être obtenue qu’à une condition : c’est que l’Allemagne fût décomposée en ses éléments naturels, qu’elle ne formât pas un seul État centralisé, en possession d’une puissance politique génératrice de la puissance militaire, et qui appelle elle-même cette puissance militaire. Un État allemand, étant donné la place que l’Allemagne occupe au centre de l’Europe, sans frontières déterminées, avec des territoires contestés sur tout son pourtour, des prolongements et des îlots germaniques qui créent un irrédentisme déclaré ou latent aussitôt qu’existe l’unité allemande, centre d’aimantation, cet État-là exige et postule le mili-