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la contrainte même, lui sont tout aussi naturelles que le peuvent être à tant d’autres l’épanchement et l’indiscrétion.

Fils d’un peintre académique dont le père avait été intendant, et d’une institutrice irréligieuse, vive, sèche et peintre à ses heures, il tient de l’un son esprit ordonné, sa prudence normande, de l’autre sa haine des prêtres, un certain don de répartie, et le penchant le plus constant à ne pas pouvoir s’attendrir ; de l’un et l’autre, la faculté de voir net, de regarder précisément, et cette obstination particulière que n’ont ni les grands ni le peuple, et qui n’a jamais été en France la moindre des vertus bourgeoises. Il s’y ajoute encore ces étroites accoutumances, cette tyrannique ponctualité, cet asservissement à ses meubles qui font, le plus souvent, d’un fils unique un vieux garçon dès la vingtième année, et quand même il se résoudrait au mariage.

Cependant il pousse le soin jusqu’à l’élégance dans son esprit comme dans sa mise, applique son obstination au savoir, et sait donner à sa prudence le prix des amitiés les plus sûres.

Cette élégance vient corriger ce que son allure aurait. sans cela, de trop raide ; elle n’atteint pas au dandysme d’un Delacroix ou d’un Eugène Sue : même dans le brillant de la jeunesse, il ne prendra pas l’air d’un lion, on ne lui verra pas cette « beauté du diable » qui fait que l’on raffole du jeune Musset. En dépit de sa tournure svelte, il lui manque ce visage assez beau, cette élévation dans la pensée, et cette distinction native qui haussent la petite noblesse d’un Lamartine ou d’un Vigny à la dignité de la grande. Sa mise n’a pas l’élégance intermittente de celle de M. de Balzac, ni celle parfois extrême, souvent incertaine et toujours conquérante de Beyle : elle est habituelle, mesurée, sans aucun éclat tapageur, et se garde autant des outrances de la mode que des usages surannés.

Pour un peu guindé qu’il soit toujours, il n’en paraît pas militaire ; il montre plutôt, dès la jeunesse, cette sorte