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L’affirmation de l’existence d’un droit naturel persista dans la philosophie chrétienne. « Les nations qui n’ont point de loi écrite, dit Saint Paul, font naturellement ce qui est conforme à la loi ; n’ayant pas de loi, ils sont à eux-mêmes la loi, les prescriptions de la loi sont écrites dans leur cœur et leur sont révélées par la conscience[1] ». Les-Pères de l’Église, Tertullien, Saint Ambroise, Saint Augustin, Origène, Saint Jérôme, Saint Jean Chrysostôme enseignèrent que Dieu, avant de donner à Moïse une loi gravée sur des tables de pierre, imprima au cœur de l’homme, dès sa création, une loi naturelle à laquelle il lui enjoignit d’obéir. Cette loi première, ajoutaient-ils, n’a été abrogée ni par la loi de Moïse ni par le Nouveau Testament ; les lois divines positives n’ont fait que la confirmer, la compléter, ou restaurer celles de ses dispositions qui s’étaient oblitérées dans le cœur de l’homme déchu[2].

Cette doctrine venue de Saint Paul, revêtue de l’autorité des Pères et dont, en outre, on pouvait retrouver le principe premier dans les écrits des philosophes anciens, notamment d’Aristote, devait naturellement s’imposer aux théologiens du moyen-âge. Saint Thomas, par exemple, distingue quatre espèces de lois : 1o la loi éternelle, summa ratio qui réside en Dieu de toute éternité ; 2o la loi naturelle qui est comme un pâle reflet de la précédente éclairant l’intelligence de l’homme ; 3o la loi humaine

  1. Saint Paul, Ad Romanos, II, xiv et xv ; (Collect. Didot, Novum Testamentum, p. 249).
  2. V. Tertullien, Adversus Judaeos, Ch. II, (Patrologie latine de Migne, I, col. 600) ; — Saint Ambroise. De fuga sœculi, xv, (Œuvres édit. des Bénédictins de Saint-Maur, 1686, t. I, col. 423) ; In Psalmum XXXVI, 69, (même édit. t. I, col. 810) ; — Saint Augustin, De libero arbitrio, L. I, xiv-xv, (Œuvres, édit. des Bénédictins de Saint Maur, t. I, 1679, col. 575 et s.) ; Ad Hilarium, Epistola clvii, 15, (même édit. t . II, 1679, col. 548-549) ; In Psalmum lvii, (même édit., t. IV, 1681, col. 540 E et s.) ; In Psalmum CXVIII, Sermo XXVI, même edit. t. IV, col. 1344 A) ; Sermo LXXXI, De Verbis Evang. Matth. 18, (même édit., t. V 1683, col. 434 F) ; De peccatorum merilis et remissione, L. I, 12, (même édit, t. X, 1690, col. 8 C) ; Origène, Adversus Celsum, L. V, 37, (Patrologie grecque de Migne XI (Origène, I) col. 1237-1238) ; Saint Jérôme, In Isaiam, L. VIII, (Œuvres, édit. du P. Jean Martianay, 1704, c. III, col. 208) ; Saint Jean Chrysostome, Ad populum Antiochenum, Homilia XII, 3, 4 et 5, (Œuvres, édit. du P. Bernard de Montfaucon, bénédictin de la Congrégation de St Maur, t. II, 1718, p. 127 et s.) ; In Psalmum CXLVII, (même édit. t . V, 1724, p. 486 D et E) ; In Epistolam ad Romanos, Homilia XII, (même édit. t. IX, 1731, p. 551 B).