Page:Revue d’économie politique, 1900.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
LES ASSOCIATIONS COOPÉRATIVES DE PRODUCTION

salaire, de même le service du capital doit se mesurer par l’intérêt. Mais il est clair que ce nouveau mode de répartition aboutit en pratique à rendre 20 ou 30 fois plus petite la part du capital dans le produit net. Voici par exemple le Familistère de Guise où Godin a introduit ce mode de répartition : le montant des salaires y est environ de 2 millions de francs, le capital est évalué à 4.600.000 fr. Supposons que le bénéfice à partager soit de 500,000 francs. Si l’on appliquait l’ancienne règle, on partagerait ce produit en parties proportionnelles à 2 et à 4,6, ce qui donnerait à 52.000 francs pour le travail, et 348.000 francs pour le capital : mais en appliquant la règle nouvelle, qu’on pourrait appeler la règle d’or, le partage se fait en parties proportionnelles à 2 millions de salaires d’une part et à 230.000 francs d’autre part (intérêt du capital de 4.600.000 francs) et alors la part du travail se trouve de 448.000 francs et celle du capital de 52.000 francs[1].

Et si maintenant, au moment de terminer cette trop longue

  1. Nous simplifions le calcul qui est en réalité beaucoup plus compliqué, parce que les travailleurs sont répartis en catégorie ayant chacune un coefficient différent et parce qu’il y a aussi une part pour les capacités, c’est-à-dire pour la direction.
    Il est certaines associations qui n’allouent aucune part au capital, ni part dans le produit net, ni même intérêt. Elles sont assez nombreuses : 62 environ. On verra bien si elles sont viables.
    Il en est d’autres, au contraire, qui donnent tout au capital et rien au travail (sauf son salaire). Telle l’association des lunetiers déjà citée et plusieurs associations d’ouvriers diamantaires.
    Entre ces deux degrés extrêmes s’échelonnent toutes les notes de la gamme.
    Nous avons eu la curiosité de prendre la répartition moyenne des bénéfices dans l’ensemble des sociétés de production considérées en bloc et nous avons trouvé les chiffres suivants :
    Capital
     
    60 p. 100
    Travail
     
    23 »
    Réserve
     
    10 »
    Direction
     
    4 »
    Prévoyance
     
    3 »
    100 p. 100


    Pour simplifier ce tableau, on peut admettre que la part de la réserve va au capital, tandis que la part de la direction et de la prévoyance (pensions de retraites, maladies, etc.) va au travail, et alors nous avons :

    Capital
     
    70 p. 100
    Travail
     
    70 »


    On voit que, somme toute, la part du capital est très prépondérante, mais il ne faut pas oublier naturellement que la plus grande partie de ce capital, la presque totalité, appartient aux travailleurs eux-mêmes.