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EN FRANCE

Seilhac, chef du service industriel au « Musée Social », vient de créer une association coopérative de pêcheurs en Bretagne, avec un établissement de vente à Paris, et elle a pu déjà répartir à ses membres, sur le produit de leur pêche, 60 p. 100 de plus que ce qu’ils en attendaient.

Enfin l’intérêt des associés n’est pas tout : il y a aussi et surtout un intérêt scientifique de premier ordre dans ces expérimentations sociales. Si petites que soient ces associations coopératives, elles peuvent être des microcosmes qui nous offrent peut-être l’image anticipée de ce que pourra être le monde, le vaste monde de l’avenir. Par exemple la question de savoir comment doit se partager le produit entre le capital et le travail, problème qui paraît à peu près insoluble en théorie, malgré les savants calculs de Thünen et de Pantaleoni, sera résolue d’une façon empirique par ces associations de production. C’est en effet le seul terrain sur lequel il n’y ait pas conflit entre le capital et le travail, puisque le capitaliste et le travailleur ne font qu’un. Il y a donc lieu de penser que la part de chacun de ces deux facteurs sera réglée ici uniquement en raison de leur utilité respective. C’est du reste le principal mérite que Herbert Spencer, dans son dernier livre Institutions professionnelles, attribue à l’association coopérative de production : celui d’introduire un mode de répartition nouveau. « Bien mieux que le système primitif du travail esclave et de la subsistance assurée, — bien mieux que le système du servage qui accorde au serf une certaine part du produit de son travail, — mieux même que le système du salariat qui accorde à l’ouvrier une rémunération en partie proportionnelle à son travail, mais très imparfaitement proportionnelle, le système nouveau donne exactement à chacun selon ses mérites ».

Par exemple, pour citer le plus curieux des modes de répartition expérimentés, certaines associations emploient une formule de répartition très hardie et très suggestive : elle consiste à mesurer l’importance relative des deux facteurs de la production, le capital et le travail, non point, comme on l’a toujours fait, en mettant en balance d’une part le chiffre du capital employé et d’autre part le total des salaires payés aux ouvriers, mais en comparant d’une part l’intérêt payé au capital, et d’autre part les salaires payés aux ouvriers. En effet, dit-on, le produit doit être partagé au prorata du service rendu par chacun des deux facteurs de la production ; or de même que le service du travail se mesure par le