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LES ASSOCIATIONS COOPÉRATIVES DE PRODUCTION

mentation du revenu le but principal de leurs efforts. Ce qu’ils ont cherché avant tout c’est l’indépendance et la sécurité. Et généralement l’association de production (celles du moins qui ont réussi) leur ont procuré ces deux biens : — l’indépendance d’abord, car ils n’obéissent qu’à des chefs librement élus et à des lois qu’ils se sont eux-mêmes données ; — la sécurité aussi, car elle leur est assurée d’abord par la permanence des engagements (il y a de ces associations où les mêmes ouvriers restent pendant 10, 20, 25 ans, et finissent par devenir directeurs) — et aussi, quand la vieillesse est venue, par des pensions de retraites qui dans certains établissements, comme ceux de Godin ou de Leclaire, peuvent s’élever à 1.500 francs par an. Dans la maison Leclaire, il y a chaque année une fête pour célébrer le départ de ceux des associés qui prennent leur retraite. C’est une cérémonie touchante et qui montre bien le contraste entre la condition de l’ouvrier associé et celle de l’ouvrier ordinaire pour qui ce jour de la vieillesse et de la retraite est le plus redouté et le plus affreux de la vie. — Au Familistère de Guise, les retraités restent dans la maison commune, cultivent des fleurs sur la fenêtre de leur chambre, continuent à prendre part aux délibérations des conseils et se promènent dans le beau parc de l’établissement. Ils peuvent aussi avoir la perspective de voir leurs enfants les remplacer dans l’association. En somme il semble que l’état d’âme et les conditions de vie de ces associés doit se rapprocher assez de celles des membres des corporations du moyen-âge qui sont, à tort ou à raison, considérées comme les plus heureuses connues dans l’histoire des classes ouvrières.

Du reste, nous croyons que l’association de production n’a pas encore pénétré dans les sphères où elle pourra produire le plus de bien, dans celle des plus pauvres ouvriers et les plus exploités. Elle commence seulement à le faire. Voici par exemple toute la population des pêcheurs qui ne comprend pas moins de 80.000 hommes (et avec leurs familles probablement un demi-million de personnes). Ils produisent annuellement une valeur moyenne de 100 millions de francs de poissons, mais grâce aux intermédiaires c’est à peine s’ils en obtiennent 60 millions de francs, c’est-à-dire qu’au lieu d’un revenu moyen de 1.250 francs par famille qui serait pour eux l’aisance, ils n’en obtiennent qu’un de 750 francs ce qui est la misère. L’association coopérative de production serait ici tout indiquée. Or elle vient seulement d’être ébauchée. M. de