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EN FRANCE

ble ponctualité et ont montré qu’elles avaient acquis le sentiment de l’honneur commercial[1].

Et on peut penser sans optimisme que dorénavant les capitaux prêtés rentreront régulièrement. Nous en avons la preuve dans la régularité des remboursements partiels qui sont effectués au terme promis et souvent même par anticipation. Je vois, par exemple, deux associations : celle des ferblantiers et celle des tapissiers, qui en 1898 avaient emprunté, la première 55.000 fr., la seconde, 12.000, et qui au 31 décembre 1898 avaient déjà remboursé, l’une 45.000 fr. et l’autre 11.000 fr.[2].

En somme et pour résumer ces opérations, depuis quinze ans, la ville de Paris a prêté 1.121.000 fr, (soit deux fois le montant du capital dont elle dispose) et elle a perdu en tout 220.000 fr., mais cette perte est presque toute entière imputable aux trois ou quatre premières années, et elle est partiellement compensée par 80.000 fr. d’intérêts que la Ville a touchés depuis le début. Il est donc complètement inexact de prétendre, comme les économistes continuent pourtant à l’affirmer[3], que cette expérience est un échec complet et bien moins encore de généraliser en déclarant que tout prêt accordé à des associations coopératives par l’État ou des fondations philanthropiques aura des résultats désastreux. C’est possible, mais ce n’est pas certain. Le prince de Bismarck parlait un jour du plan de Lassalle qui demandait à l’État 100 millions de thalers pour commanditer des associations de production et il disait « que l’inefficacité d’une telle mesure ne lui était pas encore parfaitement démon-

  1. Du reste, certaines de ces associations avaient déjà donné des preuves remarquables du sentiment de l’honneur commercial. Je citerai l’histoire émouvante de « l’Association des ouvriers lithographes » de Paris. Fondée en 1866, elle fit une première fois faillite à la suite de la guerre de 1870, mais elle parvint à rembourser ses dettes. En 1884, elle fit une seconde fois faillite à la suite d’une affaire curieuse : elle avait fabriqué pour 213.000 fr. de cartes illustrées de souhaits pour Noël (Christmas) destinées à New-York ; elle ne réussit à en vendre que pour 40.000 fr. Son passif, à cette seconde faillite, n’était pas moindre de 340.000 fr. Eh bien ! aujourd’hui, elle a tout remboursé, capital et intérêts, soit plus de 500.000 fr. Elle a obtenu sa réhabilitation par un jugement du 15 mars 1898 et a célébré cette réhabilitation par un grand banquet présidé par M. Deschanel, président de la Chambre des députés.
  2. Les chiffres que nous donnons ici n’ont pas encore été publiés en France pour les trois dernières années : nous les devons à l’obligeance de M. le Secrétaire du Préfet de la Seine. Pour les années précédentes, c’est-à-dire jusqu’en 1896 on les trouvera avec plus de détails, dans le volume déjà cité Les associations ouvrières.
  3. V. par exemple l’article de M. sur les associations coopératives dans la Réforme sociale de 1898.