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LES ASSOCIATIONS COOPÉRATIVES DE PRODUCTION

grandes entreprises, elles suffisent pourtant pour les continuer et les développer.

L’initiative de patrons philanthropes nous apparaît donc comme un des modes de génération les plus efficaces de l’association coopérative de production. Malheureusement il est à craindre que le nombre des patrons riches, généreux et désireux de préparer leur propre abdication, ne soit assez restreint par tout pays, et surtout en France où la loi n’admet pas la liberté de tester et rend par conséquent cette transmission quasi-impossible pour tous les chefs d’industrie qui laissent des enfants.

§ 4. Association dite intégrale.

Cette forme d’association coopérative est de date toute récente. Au lieu du titre un peu ambitieux qu’elle s’est donné à elle-même et que j’expliquerai tout à l’heure, il serait plus clair de l’appeler association à type capitaliste ou semi-capitaliste, car son trait distinctif c’est de faire appel au capital du dehors, et cela non pas seulement sous forme de capital emprunté, mais sous forme de capital associé (disons en termes techniques non sous forme d’obligations mais sous forme d’actions), et naturellement en lui reconnaissant aussi une part dans la direction et dans les profits.

Or en ceci ce type nouveau d’association rompt nettement avec la tradition coopérative française qui admettait bien le concours du capital étranger à titre d’instrument dont on paie le service sous forme d’un modique intérêt, à titre de salarié si j’ose dire, mais qui le repoussait absolument sous la forme de maître, venant participer au gouvernement et recueillir une part des fruits du travail. Aussi ce type nouveau a-t-il soulevé d’énergiques protestations de la part de tous les coopérateurs fidèles au vieil idéal de l’association autonome : ils l’ont dénoncé comme une sorte de trahison et tout au moins de régression dans la voie de l’émancipation du travailleur et de l’abolition du règne du capital.

L’initiative de cette forme nouvelle est due au directeur d’une association coopérative d’ouvriers peintres en bâtiment, M. Buisson, qui depuis une dizaine d’années est devenu un des leaders du mouvement coopératif. Cette association qui a pour nom Le Travail, grâce à son habile direction, était devenue déjà très prospère, mais il ambitionnait plus encore pour elle et souffrait du manque de capitaux qui ne lui permettait pas de donner à son entreprise le