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LES ASSOCIATIONS COOPÉRATIVES DE PRODUCTION

par cinq syndicats récents représentant les différentes industries qui concourent à la fabrication des voitures (charronnerie, peinture, serrurerie, glaces, etc.). Ce sont les syndicats qui ont fourni tout le capital et ce sont eux, en conséquence, qui touchent tous les bénéfices. Les ouvriers membres de l’association coopérative ne touchent donc aucune part en qualité de coopérateurs (quoiqu’ils puissent retirer certains avantages indirects en qualité de membres de l’un des cinq syndicats).

Il est facile de voir que cette dernière forme nous éloigne beaucoup du programme coopératif pour nous rapprocher du programme collectiviste, car le profit individuel est ici presque totalement éliminé. Le travailleur ne travaille plus pour lui, mais pour le syndicat ou un groupe de syndicats. Il suffirait de faire un pas de plus, c’est-à-dire de faire créer l’association de production non plus seulement par un syndicat ou une fédération de syndicats, mais par la classe ouvrière tout entière, pour être en plein régime collectiviste.

Or, ce pas décisif les socialistes ont essayé de le franchir par une entreprise qui a fait grand bruit et qui mérite bien d’être indiquée ici, je veux parler de la « Verrerie ouvrière » d’Albi.

Il y a quatre ou cinq ans, dans une petite ville du Sud de la France, à Carmaux, il y eut une grève d’ouvriers verriers qui dura longtemps et qui provoqua un vif mouvement de sympathie dans le monde socialiste. Les leaders socialistes, MM. Jaurès et Millerand, etc., vinrent leur apporter le secours de leur éloquence et les secours pécuniaires affluèrent aussi sous la forme de dons. Une vieille demoiselle, Mlle Dembourg, donna 100,000 fr. par l’intermédiaire de M. Rochefort. En se voyant en possession de capitaux importants, l’ambition vint aux ouvriers et ils songèrent à abandonner définitivement leur patron et à se constituer en association coopérative. Ils avaient d’ailleurs un exemple très encourageant, celui de l’association coopérative des verriers de Rive-de Giers (près Lyon), qui fonctionnait assez bien et qui était constituée sur le type corporatif. Leur intention était donc de se constituer aussi sur ce modèle et de créer La verrerie aux verriers. Mais les socialistes se récrièrent ! Ils déclarèrent qu’ils n’avaient pas soutenu les ouvriers verriers contre les patrons à seule fin de leur permettre de s’ériger eux-mêmes en petits capitalistes ! Ils fourniraient les capitaux nécessaires pour la création de la verrerie nouvelle, mais à la condition qu’elle restât l’œuvre du prolétariat tout entier, et