Page:Revue d’économie politique, 1900.djvu/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.
9
EN FRANCE

impossible de pouvoir occuper tous les ouvriers d’un même corps de métiers ou d’un même syndicat, faute d’ouvrage suffisant à leur donner, l’association n’en emploie simultanément qu’un petit nombre dans la mesure de ses besoins (la proportion n’est guère plus de 1/10 dans les associations qui se rattachent à ce type)[1] ; seulement elle s’efforce de les faire travailler tous successivement à tour de rôle et suivant l’ordre des inscriptions. Le but primitif c’était de supplanter peu à peu par une concurrence victorieuse tous les patrons de la même industrie, et au fur et à mesure qu’ils seraient éliminés, d’annexer leurs ouvriers jusqu’au jour où l’association de production réunirait enfin tous les ouvriers du même corps de métier. C’était à peu près le programme de Louis Blanc.

En fait, on est resté loin de la réalisation de ce programme grandiose. Ces associations ne se sont pas beaucoup étendues : elles n’ont pas fait une concurrence bien redoutable à l’industrie privée. Elles se sont heurtées à d’assez nombreuses difficultés dont la plus grave est l’antagonisme qui se produit spontanément entre les syndicats et les associations coopératives qu’ils ont créées, du jour où celles-ci se sentent assez fortes pour voler de leurs propres ailes. C’est ce qui s’est produit pour l’association dite « la mine aux mineurs » de Monthieux, près Lyon, et qui a entraîné sa ruine. C’est ce qui s’est produit aussi pour « l’association des ouvriers tapissiers » à Paris. Toutefois, quoique celle-ci ait rompu avec le Syndicat, elle est restée corporative, en ce sens qu’elle reste ouverte à tous les ouvriers du même corps de métier. Un tableau placé dans le hall porte inscrits tous les noms de ceux qui veulent du travail, par ordre de priorité. Nul n’a droit de travailler plus de quinze jours, à moins que personne ne réclame sa place, auquel cas il lui est loisible de prolonger. On voit que dans ces conditions, ces associations de production fonctionnent plutôt comme ateliers de chômage. Aussi la plupart des associations de ce type ont-elles été constituées à la suite de grèves.

L’association qui réalise le plus parfaitement ce type est celle « des ouvriers fabricants de voitures » à Paris. Elle a été constituée

  1. Le groupe d’associations de ce type compte environ 3.600 associés et il n’y en a en moyenne que 400 qui travaillent dans ses ateliers (Voy. Fontaine, op. cit.) ! Ceci explique un fait en apparence assez énigmatique, c’est que quoique le personnel total des associations de production en France compte 9.000 sociétaires et 5 à 6.000 ouvriers auxiliaires, l’effectif présent dans leurs ateliers n’est pas évalué à plus de 9 à 10.000.