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LES ASSOCIATIONS COOPÉRATIVES DE PRODUCTION

Mais malgré tous ces chiffres, j’estime que l’axiome qui fait de la France la terre natale de l’association coopérative de production, est bien fondé. Car d’abord c’est la seule qui se soit développée spontanément en France, les autres formes de coopération étant d’importation étrangère. C’est là qu’elle a apparu tout d’abord comme la solution de la question sociale, comme l’ère nouvelle qui devait faire succéder le régime du travail libre à celui du travail salarié, de même que le salariat avait succédé lui-même au servage et à l’esclavage. C’est là qu’elle a suscité en 1848 chez les ouvriers toute une légion de pionniers, dont l’histoire, pour être moins célèbre que celle des Pionniers de Rochdale, n’est pas moins héroïque. C’est sous sa forme française aussi, il ne faut pas l’oublier, qu’elle a apparu comme un évangile nouveau, comme l’étoile des rois mages, à de nobles esprits comme ceux des socialistes chrétiens anglais et de John Stuart Mill. Et c’est là enfin qu’elle s’est réalisée en quelques-uns des types les plus complets et les plus justement célèbres dans le monde, tels que le Familistère de Guise, la maison Leclaire, et même, à certains égards, le magasin du Bon Marché.

Il faut bien avouer que beaucoup des illusions du début se sont évanouies : la foi dans l’association de production autonome, comme moyen de transformer le monde, est fort ébranlée en France comme ailleurs. Cependant, nous allons voir qu’il est encore de petits groupes de fidèles qui gardent pieusement cette foi intacte, et d’autres cherchent à régénérer l’association coopérative de production et à lui rendre une vie nouvelle, les uns en la rattachant au mouvement syndical, les autres en s’inspirant des doctrines des vieux socialistes français et surtout de Fourier.

C’est seulement de l’état présent de l’association de production en France que je veux m’occuper dans cette étude. Cependant, je dois rappeler très sommairement l’historique de ce mouvement, me bornant à signaler les faits les moins connus.

On sait que la première association de production, celle des bijoutiers en doré, a été fondée en France en 1833, donc dix ans avant les Pionniers de Rochdale. Mais cette première création n’eut qu’un


    tions ouvrières de production, que nous aurons à citer souvent dans cet article, M. Fontaine, qui a dirigé cette enquête, évalue le nombre des membres de ces associations à 9.000 (sans compter 5 ou 6.000 auxiliaires qui travaillent dans les ateliers de ces associations mais sans être eux-mêmes sociétaires).