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THÉORIE DU CRÉDIT

au taux de l’intérêt ; vienne pourtant un moment de crise, le capital fixé ne peut être rendu à la circulation, et le taux de l’escompte est supérieur au taux de l’intérêt. C’est ainsi qu’on voit le taux de l’intérêt, abstraction faite de l’amortissement et de l’assurance, se maintenir à 3 p. 100 environ et le taux de l’escompte descendre le plus souvent à 2, 1 1/2, 1 p. 100, pour s’élever parfois à 8 ou 10 p. 100.

10. Qu’il soit à long terme ou à courte échéance, le crédit est toujours une location de capital faite à un entrepreneur par un capitaliste. Je dois, à cet égard, réfuter une erreur de Charles Coquelin qui vicie toute sa théorie du crédit.

« … Il ne faut pas croire, dit-il, comme cela n’arrive que trop souvent, que le plus grand effort du crédit soit de faire passer l’argent ou même, pour parler d’une manière plus générale, les capitaux des mains des capitalistes proprement dits dans celles des travailleurs. À voir la manière dont on raisonne ordinairement sur ce sujet, il semblerait que ce fût là son unique but ou la seule application dont il fût susceptible. C’est, au contraire, la plus rare et la moins digne d’être observée. Dans tous pays, le plus grand nombre des actes de crédit se consomment dans le cercle même des relations industrielles, c’est-à-dire de travailleur à travailleur, de commerçant à commerçant. Le producteur de la matière première en fait l’avance au fabricant qui doit la mettre en œuvre, en acceptant de lui une obligation payable à terme. Ce dernier, après avoir exécuté le travail qui le concerne, avance à son tour et aux mêmes conditions, cette matière déjà préparée à quelque autre fabricant qui doit lui faire subir une préparation nouvelle, et le crédit s’étend ainsi de proche en proche, d’un producteur à l’autre, jusqu’au consommateur. Le marchand en gros fait des avances de marchandises au marchand en détail après en avoir reçu lui-même du fabricant ou du commissionnaire. Chacun emprunte d’une main et prête de l’autre, quelquefois de l’argent, mais bien plus souvent encore des produits. Ainsi se fait, dans les relations industrielles, un échange continuel d’avances qui se combinent et s’entrecroisent dans tous les sens. C’est surtout dans la multiplication et l’accroissement de ces avances mutuelles que consiste le développement du crédit, et c’est là qu’est le véritable siège de sa puissance »[1].

  1. Charles Coquelin, Du crédit et des banques, chap. XI, § 11.