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THÉORIE DU CRÉDIT

tions : il peut en être propriétaire, comme le voudraient J.-B. Say et Gossen ; il peut en être locataire soit à long terme, soit à courte échéance, soit ad nutum. La première condition est d’une solidité plutôt excessive ; la seconde est très suffisamment solide ; la troisième, beaucoup plus chanceuse, est encore acceptable ; la quatrième est absolument périlleuse. C’est pourtant sur elle que reposent en partie les combinaisons du billet de banque et du chèque.

8. Il en est du capital fixe autrement que du capital circulant. Il n’y a que deux manières de le retirer de l’industrie, et, de ces deux manières, comme on va voir, l’une est prompte, mais très chanceuse, l’autre est sûre, mais très lente. La première consiste à chercher un acquéreur des bâtiments, machines, instruments, outils et à les vendre à un prix plus ou moins voisin du prix de revient suivant qu’on les aura plus ou moins entretenus à l’état de capital neuf, au moyen de prélèvements opérés sur la vente des produits. Mais autant il est facile de vendre des produits bien fabriqués à un prix convenable, autant il est difficile de vendre un fonds d’industrie ou de commerce. Les acquéreurs pour les produits sont tous les consommateurs qui sont fort nombreux ; les acquéreurs pour le fonds sont les quelques individus assez rares qui veulent s’adonner à un certain genre d’entreprise. Aussi voit-on beaucoup d’industriels et de commerçants, même enrichis, et qui voudraient céder leurs fonds, n’y pouvant réussir, continuer les affaires jusqu’à ce que leurs fils soient en âge de leur succéder. L’autre moyen est de laisser ses bâtiments, machines, instruments, outils, se détériorer d’année en année par l’usage, mais de prélever sur la vente des produits la monnaie nécessaire pour reconstituer tous ces objets au moment où ils seront tout à fait hors de service ; on fait alors l’amortissement de son capital fixe en monnaie, et ainsi on le liquide, on le réalise. Mais on voit assez combien cette manière de procéder demande de temps puisque le délai qu’elle exige est celui de l’usure totale du capital.

9. Il résulte de là que le capital fixe doit être emprunté pour longtemps, et que le capital circulant peut seul être rendu à bref délai. Le prêt de capital fixe doit être un crédit à long terme ; le prêt de capital circulant peut seul être un crédit à courte échéance. On appelle souvent le premier crédit industriel et le second crédit commercial par la raison que, dans l’industrie, c’est le capital fixe qui joue le rôle le plus important, tandis que, dans le commerce,