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THÉORIE DU CRÉDIT

salaires ou des intérêts, toutes opérations ou incertaines ou irrégulières. Voilà pourquoi la science est fondée à ne s’occuper du crédit à la consommation et du crédit public (en tant que ce dernier est lui-même un crédit à la consommation et non à la production) que pour bien établir qu’ils ne devraient pas exister.

5. Lorsque le capitaliste se dessaisit de sa monnaie en faveur de l’État, d’un particulier ou d’un entrepreneur, il reçoit un titre constatant sa créance. La forme de ces titres varie suivant la variété même des espèces et des combinaisons de crédit. Il y a les titres de rentes d’État, les créances hypothécaires, les obligations foncières, les créances chirographaires, les obligations industrielles, les billets à ordre et lettres de change, les billets de banque. Ces titres établissent les droits du capitaliste sur le capital qu’il a prêté. Ils ont pour contre-partie, dans le crédit à la production, les capitaux fixes et circulants de l’agriculture, de l’industrie et du commerce dont le produit doit servir à les rémunérer et à les rembourser. Les obligations d’un chemin de fer, par exemple, ont pour contre-partie les voies, ouvrages d’art, gares, locomotives, wagons, ateliers, approvisionnement de rails, de charbon, de la compagnie. Ce sont non des titres de propriété directe sur ces capitaux, mais des titres de propriété virtuelle sur la monnaie à retirer de leur amortissement, en même temps que des titres à percevoir leur intérêt. Comme nous le verrons, il arrive que certains titres sont représentés par d’autres titres ; ainsi, les obligations foncières représentent des créances hypothécaires, les billets de banque représentent des effets de commerce. De la sorte, les titres sont une représentation au premier, au second, au troisième degré de la richesse sociale ; mais ils ne sont pas de la richesse sociale. Il est clair que si on voulait évaluer la richesse d’un pays en capitaux fixes et circulants, il faudrait ou bien inventorier les capitaux eux-mêmes, ou bien inventorier les titres représentant ceux de ces capitaux qui auraient été loués en monnaie, en faisant abstraction des titres représentés par d’autres titres, mais non pas additionner les capitaux et tous les titres. Autrement il y aurait double et triple emploi. Sous prétexte que les titres se vendent et s’achètent, certains auteurs s’obstinent pourtant à soutenir qu’ils sont par eux-mêmes de la richesse sociale, qu’ils constituent une valeur sinon présente, du moins future. C’est là une erreur qui ne peut engendrer que des mécomptes. Il faut s’en tenir à ce principe que le crédit déplace le