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Soumettez cette doctrine à l’épreuve des faits. Dans les comtés du centre de l’Angleterre, quantité de chênes valent 100 livres sterling sur pied et avant que personne y ait touché. Leur valeur est-elle due au travail ? On affirme qu’on a, en 1810, abattu à Gelenas (Monmouthshire) un chêne dont on a vendu le bois 670 livres sterling et l’écorce 240 livres sterling. Cette valeur était-elle due au travail humain ?

Il y a quelques années, une baleine échouée sur le rivage du Frith of Forth a été en cet état vendue 70 livres sterling. La valeur en était-elle due au travail ?

Il y a quelques années, la mode était, pour les dames d’Europe, d’imiter leurs sœurs basanées de l’Afrique centrale et de s’élever sur la tête d’immenses montagnes de cheveux, appelées chignons. Tant qu’à duré cette folie, une chevelure de jeunes filles se vendait 5, 10, 20 livres sterling et même bien davantage. La valeur de la chevelure était-elle due au travail ?

Ces exemples et une infinité d’autres qu’on pourrait citer montrent qu’il est absolument erroné d’affirmer que le travail soit toujours la cause de la valeur même des choses matérielles.

Mais le travail lui-même a une valeur. Si donc le travail est la source de toute valeur, quelle est la source de la valeur du travail ?

Prenez encore un billet de la Banque d’Angleterre ou le billet à ordre d’un grand négociant pour 1,000 livres sterling. Ils ont une valeur. Mais est-elle due au travail ?

Quand un banquier escompte une traite pour un client, il lui ouvre crédit sur ses livres, — c’est-à-dire, il achète un droit d’action en créant un autre droit d’action, et il donne ainsi une valeur en échange. La valeur du crédit de banque est-elle due au travail ?

Par une déduction strictement logique de sa théorie que le travail est la source de toute valeur, Ricardo soutient que l’air, la chaleur et l’eau n’ajoutent rien à la valeur des récoltes. Si la conclusion est vraie, il s’ensuivrait que, si nous plantions une vigne en Shetland, le raisin qu’elle pourrait par hasard donner et le vin qu’on en ferait auraient exactement la même valeur que le raisin et le vin des vignes ensoleillées de France.

Quelques-uns, je le sais, tiennent Ricardo pour une autorité qu’on ne doit pas discuter ; mais quand on expose ouvertement