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Mis en présence de ce plan social, l’économiste de la nouvelle école pourra, s’il est superficiel, se laisser séduire par les apparences humanitaires et bienfaisantes qu’il présente. Mais pour peu qu’il veuille voir le fond des choses, il consultera la nature humaine, il recherchera les résultats constatés dans les pays où la charité a été régulièrement alimentée par des ressources officielles abondantes, et il se demandera si la certitude du soulagement en cas de misère n’agit pas comme un dissolvant à l’égard de l’énergie individuelle, et si le caractère humiliant attaché au secours n’est pas précisément un stimulant salutaire, guérissant comme la lance d’Achille les blessures qu’il occasionne. Cet examen le conduira probablement à condamner le projet dont il s’agit, non en raison de sa contradiction avec un principe doctrinal, mais parce que l’observation des faits lui en aura révélé le danger.

Je m’arrête ici. Le lecteur qui aura eu la patience de me suivre dans ces développements dont je ne me dissimule pas l’aridité, en retirera, je l’espère, la conviction que l’œuvre des anciens économistes, en dépit de ses imperfections, n’a pas fait son temps, et qu’on se tromperait en ne voyant en elle qu’une ruine, témoin imposant mais désormais inutile de la vigueur de l’esprit humain. Si leurs successeurs, pour reprendre ma comparaison, parviennent à élever un édifice solide, spacieux et bien agencé, c’est cette œuvre qui en constituera le noyau et les fondations.

Paris, septembre 1887. A. Achard.