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reproductives et les consommations non reproductives. L’impôt ne servirait qu’à alimenter des dépenses improductives. L’impôt prélève une partie du revenu de la nation qui, sans cela, eût été converti par l’épargne en capital[1]. Je suis étonné que M. Sax n’ait pas fait remonter cette théorie jusqu’aux physiocrates, non certes pour leur plus grande gloire. J.-B. Say a transformé cette doctrine de la consommation en une doctrine de la production par sa théorie des produits immatériels, à savoir que les services publics, comme les services privés, sont des produits ni plus ni moins que les biens matériels. La conclusion de J.-B. Say, à savoir que les dépenses et les consommations de l’État, c’est-à-dire qui ont pour objet les satisfactions des besoins communs, ne diffèrent pas essentiellement des dépenses et des consommations des particuliers, est tout à fait du goût de M. Sax, car elle vient à l’appui de son système. Toutefois, il n’est pas complètement satisfait, car, dit-il, elle n’éclaire qu’un côté de la question : l’économie des dépenses (Ausgabewirthschaft), mais non l’économie des recettes (Einnahmewirthschaft), c’est-à-dire le point de vue économique auquel il faut se placer pour déterminer quelle portion de biens il faut demander à chaque économie privée.

Il ne faut pas confondre avec la théorie de la consommation la théorie de la productivité. Celle-ci est la base du système national d’économie politique de Frédéric List, qui aux doctrines libre-échangistes, qu’il appelle la théorie des produits, oppose la théorie des forces productives. L’État doit avoir en vue de développer la puissance productive de la nation, il est producteur des forces productives. M. Emile Sax conclut judicieusement que la théorie de List n’a quelque valeur que comme machine de guerre contre le libre échange absolu (on pourrait ajouter contre la protection à outrance), mais qu’elle est sans valeur comme théorie économique.

En combinant la théorie de List avec la théorie des produits immatériels de J.-B. Say on arrive à la théorie de la production capitalistique (capitalistische Productions théorie). L’État est le représentant d’un immense capital matériel et immatériel qu’il met à la disposition des particuliers ; il produit donc, il concourt à la production comme capitaliste. Il y a plus : l’État est lui-même un capital. Quelle logomachie ! L’État producteur de capital ! Il est

  1. Ceci est particulièrement la doctrine de Ricardo (Principes, chapitre VIII).