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traduit exactement ce titre ? Voilà des questions qui se posent naturellement tout d’abord. Pour y répondre, il me faut entrer dans quelques explications sur la terminologie économique. Quand on parle de la richesse comparative de deux langues, on dit : ce mot nous manque. Bien souvent, ce n’est pas précisément le mot qui manque, mais ce mot pris dans un certain sens, employé d’une certaine manière. Voilà le mot économie, par exemple : il répond au mot allemand wirthschaft ; mais les Allemands l’emploient d’une manière abstraite, ils disent une wirthschaft, ce qui comprend l’économie privée, l’économie publique de l’État ou d’une ville ; une maison, une ferme, une usine, une auberge sont des wirthschaften, des économies. Nous ne disons pas, dans ce sens, une économie, des économies. Il en est de même du mot wirth qui désigne celui qui est à la tête d’une wirthschaft, d’une économie ; nous ne pouvons pas le traduire par économe, mot qui a chez nous un sens technique, économe d’un lycée ou d’un couvent, et qui, comme adjectif, a aussi un sens tout spécial. Qu’on me passe donc, pour un instant, le mot économie, et qu’on me permette de parler allemand avec des mots français. Nous aurons trois espèces d’économies : l’économie privée (privatwirthschaft), l’économie nationale ou du peuple (volkswirthschaft) et l’économie publique ou de l’État (staatswirthschaft). Je laisse de côté la controverse puérile sur la question de savoir si l’expression économie privée s’applique seulement à l’individu ou comprend aussi la famille. Mais qu’est-ce que l’économie du peuple, de la nation (volkswirthschaft) ? C’est l’ensemble des rapports qui s’établissent entre les différentes économies privées d’une nation et constituent l’activité économique de cette nation. C’est, à proprement parler, ce que nous appelons l’économie politique[1].

J’arrive au mot staatswirthschaft et au titre de l’ouvrage de

  1. Dans leur horreur pour l’absolutisme et le cosmopolitisme de la vieille économie politique (voir la note 3 ci-dessus) les socialistes de la chaire ne veulent pas entendre parler d’une économie de l’humanité. Par volkswirthschaft, ils entendent l’économie d’une nation, d’un peuple politiquement indépendant. Dans l’article cité à la note 3, M. Schönberg, passant en revue les différentes espèces d’économies (wirtschaften), s’élève avec force contre ceux qui parlent d’une économie du genre humain (weltwirtschaft), § 7, p. 11 du Manuel, t. I. — Les économistes allemands, Roscher, par exemple, désignent indistinctement ce que nous appelons économie politique par les mots : Volkswirthschaft, Nationalökonomik, Nationalökonomik , politische Œkonomie.