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cette idée que l’étude du droit ferme irrévocablement l’esprit à l’intelligence des vérités économiques, ait fait ce raisonnement : Après tout, mieux vaut encore charger des agrégés du nouvel enseignement. Le titre d’économiste, que chacun prend suivant sa fantaisie, comme on prend celui de publiciste ou d’homme de lettres, n’offre point de garanties par lui-même. L’agrégé est docteur en droit, ce qui est peu de chose, si l’on veut ; mais il a conquis son titre d’agrégé, après une préparation laborieuse, dans un concours public qui a pour objet de constater, non-seulement le savoir, mais encore l’aptitude professionnelle, l’aptitude à enseigner, et cela dans le sens le plus large, à savoir l’aptitude à exposer nettement, méthodiquement une question. Cela est bien quelque chose pour une œuvre de vulgarisation. Le titre d’économiste, dit-on, ne garantit pas le savoir ; il ne garantit pas davantage l’aptitude à enseigner, et il pourrait bien se faire qu’un économiste, même un de ceux qui savent un peu d’économie politique, l’enseignât médiocrement[1]. Il est vrai que les épreuves du concours d’agrégation n’ont pas porté sur l’économie politique, mais elles attestent suffisamment que les agrégés ont l’aptitude à apprendre et à enseigner : ils apprendront l’économie politique pour l’enseigner ; ils l’apprendront, au besoin, en enseignant. Si ennemi qu’on soit des privilèges de diplôme et d’école[2], il faut reconnaître que les concours publics sont encore, en général, le moyen le moins mauvais de constater l’aptitude professionnelle que réclame l’enseignement.

On comprend qu’un ministre de l’Instruction publique eût abrité sa responsabilité derrière de pareils raisonnements ; qu’il eût évité des compétitions délicates, embarrassantes, des tiraillements ; qu’il ne se soit pas exposé à des mécomptes possibles pour le cas où

  1. Je vois très bien Ricardo au Collège de France dissertant sur quelque sujet ardu d’économie politique devant un auditoire composé d’économistes. Je me le représente moins bien dans une chaire à l’École de droit, enseignant méthodiquement les éléments de la science à des élèves qui n’en savent pas le premier mot.
  2. On sait à quel point M. Courcelle-Seneuil en est ennemi. Voir son étude sur le Mandarinat français, Journal des économistes de décembre 1872, et ses autres articles sur le même sujet dans les numéros de novembre 1872, février 1873 et février 1875. Toutefois, dans son article sur le Mandarinat, il indique (page 346) comme remède aux abus qu’il signale l’admission et l’avancement normal, au concours public.