Page:Revue d’économie politique, 1887.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Seneuil applaudit à l’introduction de l’économie politique dans les Facultés de droit ; « mais, ajoute-t-il, aujourd’hui le Gouvernement se trouve placé en face d’une difficulté très sérieuse, celle d’organiser cette branche d’enseignement. En premier lieu, il lui faut choisir ou, plus exactement, trouver des professeurs. S’il les cherche parmi les agrégés exclusivement, il aura peu de chance de les rencontrer, et nous doutons que, même en sortant de ce cercle fort étroit, il parvienne à pourvoir convenablement toutes les Écoles de droit tant les sujets capables sont actuellement rares[1]. » Ailleurs, M. Courcelle-Seneuil est plus explicite encore ; il déplore le triste état dans lequel la science est tombée : « En fait, dit-il, l’économie politique ne compte plus, en France, qu’un petit nombre d’adeptes, très inférieur à celui qu’on y rencontrait il y a cent ans. Ce petit nombre n’a même ni la foi, ni la vie qui animait ses prédécesseurs ; il reçoit l’enseignement de seconde main, avec distraction, sans être convaincu. » Plus loin, après avoir parlé des erreurs ou des imperfections qu’on rencontre dans Quesnay, Turgot, Adam Smith, J.-B. Say, Malthus et Ricardo : « Tous ceux que nous venons de nommer sont des maîtres ; que dirons-nous des vulgarisateurs, et de ceux qui ont aspiré, non à propager où à agrandir la science, mais à prendre le titre d’économiste et à en tirer profit ? En effet, nous en sommes venus à ce point qu’il n’est pas nécessaire de connaître le premier mot de la science pour prendre le titre d’économiste[2]. »

Eh bien, je le demande : quel n’eût pas été l’embarras d’un ministre de l’Instruction publique qui, s’étant adressé à une autorité aussi compétente que M. Courcelle-Seneuil, en aurait recueilli de pareils renseignements sur les économistes, parmi lesquels il se proposait peut-être de choisir des professeurs d’économie politique pour nos Facultés de droit ? Je comprends très bien que ce ministre, qui n’était pas nécessairement obsédé par

  1. M. Courcelle-Seneuil, L’enseignement de l’économie politique dans les Facultés de droit. Journal des économistes de mai 1877, page 186.
  2. M. Courcelle-Seneuil, Des obstacles que rencontre la diffusion des connaissances économiques. Journal des économistes de septembre 1875, pages 312 et 317. — À propos du premier de ces deux passages, le rédacteur en chef, Joseph Garnier, crut devoir insérer cette note : « Notre collaborateur, on le voit, n’y va pas de main morte ; mais il nous appartient de dire que son jugement est excessif. »