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envoyé une ambassade à Athènes, et les Athéniens en avaient envoyé une autre à Syracuse. À leur retour de cette ville, et au moment de rentrer dans Athènes, les ambassadeurs rencontrèrent Socrate, entouré d’amis, et entrèrent en conversation avec eux. Eryxias, l’un des députés, raconta qu’il avait vu l’homme le plus riche de toute la Sicile, Socrate entama aussitôt une discussion sur la nature de la richesse. Eryxias dit qu’il pensait à cet égard, comme tout le monde, et que, être riche, c’était avoir beaucoup d’argent. Socrate lui demanda de quel argent il entendait parler et décrivit les monnaies de divers pays. À Carthage, on se servait de disques de cuir entre lesquels était enfermé un objet inconnu : celui qui possédait la plus grande quantité de ces monnaies était l’homme le plus riche à Carthage ; à Athènes, il ne serait pas plus riche que s’il avait autant de cailloux de la colline. À Lacédémone, on employait une monnaie de fer, sans valeur intrinsèque : celui qui en possédait beaucoup pouvait être riche à Sparte ; partout ailleurs, ce fer était dépourvu de puissance d’achat. En Éthiophie, la monnaie consistait en petits cailloux gravés, qui, ailleurs, ne pouvaient servir à rien.

Socrate démontrait ainsi que la monnaie n’est une richesse que là où elle est susceptible d’échange, où elle donne le pouvoir d’acheter. Là, au contraire, où l’on ne peut l’échanger, où l’on ne peut s’en servir pour acheter, ce n’est point une richesse.

« Pourquoi » demanda ensuite Socrate, « certaines choses sont-elles une richesse et certaines autres n’en sont-elles point ? Pourquoi certaines choses sont-elles une richesse en tel lieu et non en tel autre, à telle époque et non à telle autre ? » Et il démontra qu’il dépend entièrement des besoins ou des désirs de l’homme que les choses constituent ou ne constituent pas une richesse, que tout est richesse là où il y a besoin et demande, et cesse d’être richesse là où il n’y a pas besoin et demande.

Les choses, disait-il, ne sont χρήματα (richesse) que là où elles sont χρήσιμα, là où elles sont désirées et demandées.

Ainsi, alors que quelques personnes pourraient avoir des doutes sur le sens du mot richesse, il n’y a pas d’erreur possible, quand on se reporte au grec ; χρῆμα, l’un des termes les plus usités dans le sens de richesse, vient effectivement de χράομαι, désirer, demander : d’où suit que le mot χρῆμα, richesse, signifie simplement tout ce dont on a besoin, tout ce qu’on demande, tout ce qu’on peut