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champ plus restreint, l’entreprise n’est pas moins difficile, parce que ce n’est que dans de rares circonstances qu’un petit pays se détache suffisamment du grand tout dont il fait partie pour occuper les historiens à lui seul. Aussi M. G. a-t-il recueilli bien des matériaux qui intéressent plus l’histoire générale que celle de la Suisse en-particulier ; tel est par exemple le soulèvement de Vercingétorix, où par le fait les Séquanes, les Helvètes et les Rauraques — ou Rauriques, c’est la forme que l’auteur préfère — ne figurent que pour faire nombre.

Ce qu’il y a d’original dans ce recueil, c’est qu’il est destiné à fournir des textes, sinon aux cours des établissements secondaires, du moins aux lectures particulières des élèves. Pour rendre ces textes plus intelligibles, l’auteur a fait précéder chacune des divisions sous lesquelles il a groupé méthodiquement ses fragments, d’un commentaire tiré des auteurs modernes les plus autorisés. Souvent il discute pour son propre compte ; il s’est efforcé de dégager de l’ensemble des traditions les données que la critique peut admettre, comme celles qu’elle a été amenée à rejeter. Cependant il ne doit pas se faire illusion sur les développements où il entre à propos de l’ethnographie et de la géographie ancienne de la Suisse. Entre les opinions divergentes qu’ii examine sur l’attribution des Rhétiens au rameau toscan ou au rameau celtique, sur une population germanique qui dans le Valais aurait précédé les Celtes, sur l’extension primitive des établissements des Helvètes jusqu’au cœur de l’Allemagne, l’esprit a peine à se décider.

Il est regrettable que l’auteur n’ait pas joint de carte à son volume. Il aurait aussi dû mieux soigner l’orthographe des noms géographiques ; j’en ai rencontré plusieurs que je n’aurais pas pu reconnaître si les lieux ne m’avaient pas été familiers : ainsi p. 47 il faut lire Chalampé et non Chalompré, Bantzenheim et non Bautzheim. En général la correction typographique est un peu négligée. Il est à désirer que le succès de ce volume permette à M. G. de nous donner, comme il se le propose, une seconde partie où il poursuivrait le dépouillement jusqu’après l’invasion des Barbares et la conversion de la Suisse au christianisme.

A voir à quels lecteurs l’auteur destine son livre, il faut que chez nos voisins les études historiques aient une force d’attraction qu’elles n’ont point partout. Chez nous aucun professeur ne songerait à mettre entre les mains de ses élèves les textes originaux sur lesquels se base notre histoire. Cependant rien ne serait plus propre à familiariser les jeunes gens avec les méthodes critiques, rien ne servirait mieux au progrès de notre connaissance du passé.

Pour parer à cet inconvénient, ne serait-il pas bon que dans chaque province on fit dans les lycées un petit cours d’histoire provinciale, pour montrer comment chaque coin de la patrie commune a vécu de sa vie propre, et comment il en est devenu partie intégranteL’étude de quelques textes, des visites aux archives, éveilleraient certainement des aptitudes qui n’ont aujourd’hui aucune occasion de se produire, et pour les jeunes gens qui poussent leurs études jusqu’à l’instruction supérieure, à défaut de l’État, les départements ou des particuliers ne pourraient-ils pas créer dans chaque centre académique une chaire spécialement vouée à l’histoire de la province et de ses institutions ?

X. Mossmann.