Page:Revue critique d'histoire et de littérature, 1870, 2e sem.djvu/148

Cette page a été validée par deux contributeurs.
140
REVUE CRITIQUE

avec de nouvelles éditions, de nombreux perfectionnements qui en feront peu à peu le dictionnaire que nous désirons, réunissant aux avantages de l’esprit français, la solidité d’une science plus sûre et au courant des progrès de l’érudition. Dans un prochain article, nous rendrons compte du dictionnaire latin-allemand de Georges, et nous montrerons combien un travail de ce genre gagne à n’être pas cliché, à pouvoir être remanié et maintenu au courant des progrès de la science.

Ch. M.

155. — Études philologiques sur les inscriptions gallo-romaines de Rennes. Le nom de peuple Redones, par Robert Mowat. In-8o, 27 p. et deux planches.

M. Mowat, auteur de travaux estimés sur l’onomastique latine, publie trois inscriptions romaines, les seules que possède jusqu’à présent la ville de Rennes. L’une d’elles, connue depuis longtemps, n’a été pourtant donnée exactement que par M. L. Renier[1], et d’après ce savant par M. Desjardins dans son commentaire de la carte de Peutinger ; néanmoins, dans des publications récentes, on a reproduit la leçon inexacte de Muratori (1075, 5). M. M. donne un bon fac-simile de ce monument.

Les deux autres inscriptions ne sont que des fragments provenant des démolitions exécutées dans les anciens murs de Rennes : elles sont trop incomplètes pour qu’on en puisse faire la restitution : l’une d’elles est importante malgré l’état mutilé où elle est réduite. C’est une dédicace In honorem domus divinae, dans laquelle on lit ITASRIED. Il s’agit évidemment de la civitas Redonum. Le nom de ce peuple paraît dans un texte lapidaire pour la première fois. M. M. est disposé à lire (civ)itas Ried(onum). Je pense qu’il faut lire Rhedonum pour Redonum. Les lettres H et E étaient vraisemblablement liées de façon que le trait vertical de l’E servit de haste droite à l’H. Le trait horizontal de cette dernière lettre n’est pas visible, dit M. M. Cela tient sans doute à ce qu’il n’était pas gravé sur la pierre, mais simplement indiqué par une ligne de minium.

M. M. accepte la présence inattendue de l’I comme un nouvel élément d’étude de la phonétique gauloise et cherche même à justifier, par des considérations linguistiques puisées dans l’idiôme irlandais, la présence de cet élément dans le nom des Redones. Je ne puis discuter cette question pour laquelle me manque toute compétence. Je ferai seulement remarquer qu’une des raisons données par M. M. n’est pas valable. L’auteur s’exprime ainsi : « Il est extrêmement probable que dans les dialectes gaulois, le e long dégénérait en un son bivocal très-voisin du ia irlandais ; en effet, des inscriptions et des monnaies de la Gaule montrent que le groupe ii servait à la transcription du e latin. Entre les diphthongues ia et ii, il y a évidemment place pour le son bivocal ie. » M. de Longpérier a parfaitement montré que ce que l’on avait pris longtemps pour deux i (II) n’est autre chose que la forme graphique ancienne de l’E latin, forme encore usitée dans les provinces quand elle avait disparu de l’écriture officielle à

  1. Itinéraire de la Gaule, p. 84.