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CHRONIQUE DES ACADÉMIES Académie des Lincei. — M. Th. Mommsen vient enfin de rendre publique la fameuse inscription relative aux « Jeux séculaires ", attendue avec impatience depuis un an, et dont nous avons entretenu à diverses reprises les lecteurs de la Revue. Elle est publiée dans le troisième fascicule des Monumenli inediti, le magnifique recueil édité par l’Acadé- mie roj’ale des Lincei, avec tout le soin et toute la compé- tence qu’on était en droit d’attendre de l’éminent profes- seur de Berlin. On se souvient que, le 20 septembre 1890, en exécutant, à Rome, des travaux relatifs à la régularisation du cours du Tibre, on découvrit, entre le pont Saint-Ange et l’église Saint-Jean de’ Fiorentini, un mur paraissant remonter au viii’ siècle, pour la construction duquel on avait utilisé des matériaux provenant des ruines du voisinage, notamment de l’édifice occupé par les Qauidecemviri sacris faciiaidis qui se trouvait près de l’église Sainte-Marie in Vnllicella, On y découvrit, gravée sur deux colonnes de marbre, la re- lation officielle de la célébration des Ludi sœculares sous Auguste et sous Septime Sévère. La première inscription, celle du temps d’Auguste (en l’an 17), était composée de 8 fragments et formait 168 lignes en petits caractères. Le monument ainsi restitué est d’une hauteur de 3 mètres ; primitivement, elle devait être de h, avec la base et la corniche. La seconde inscription, celle de l’an 20i, malheureuse- ment moins complète, était formée de 105 fragments. Voici l’analyse de cet important document. Il débute par un sénatus-consulte invitant Auguste à prendre en main la célébration des jeux et à en régler les détails. Suit une lettre d’Auguste au collège des Quindécemvirs, dans laquelle il règle minutieusement les diverses cérémonies de cette fête, fixe le nombre et la qualité des personnes qui doivent y prendre part, ainsi que les lieux, jours et heures de chaque solennité. Ce document ne porte pas de date; il paraît être du ’24 mars de l’an 17. La troisième pièce est une relation de la séance tenue, à cette même date, par le collège des Quindécemvirs, et dans laquelle ceux-ci ont décidé la publication — on dirait au- jourd’hui Vajfichage — de la lettre d’Auguste, de façon que le public fût tenu au courant du programme des fêtes. Le collège désigne ensuite les quatre endroits où aura lieu la cérémonie des fruges accipiendœ. Le lendemain, nouvelle réunion du collège; mais ici il y a une lacune dans le texte. Il ne nous reste guère que les noms des a.ssistants, c’est-à-dire les plus grands noms de Rome à cette époque, y compris Auguste. Le 23 mai, le Sénat se réunit dans les Sœ/tla Juliu, et rend deux décrets. Le premier concerne les personnes, hommes et femmes, qui tombent sous le coup des lois édictées par Auguste contre le célibat. Parmi les pénalités dont elles étaient frappées, il faut compter l’interdiction de prendre part aux fêtes et cérémonies publiques. Toutefois, eu égard à l’importance et à l’éclat exceptionnels de ces « Jeux sécu- laires u, auxquels nul, parmi les vivants, ne pouvait espérer d’assister une seconde fois, cette prohibition était levée. Par un second décret, le Sénat décide qu’il sera élevé un monument pour rappeler ce grand événement, et qu’une relation officielle de la célébration sera gravée sur deux co- lonnes, l’une de marbre, l’autre de bronze, à l’endroit même où la solenité aura eu lieu. C’est une de ces colonnes qui a été retrouvée; l’autre, celle qui était en bronze, a natu- rellement disparu, comme ont disparu malheureusement la plupart des documents anciens gravés sur des matériaux ayant quelque valeur. Vient ensuite le compte rendu d’une autre séance du col- lège des Quindécemvirs du 25 mai, dans lequel on retrouve les détails les plus précis, et dont nous n’avons nulle part ailleurs l’équivalent, sur différontes solennités religieuses peu connues jusqu’ici {sii/Jimenta, frugum acceplio). C’est dans la nuit du 31 mai au l" juin que commença la célébration des Jeux séculaires, qui devaient durer trois jours et trois nuits. Les cérémonies de nuit furent célébrées dans un théâtre construit, à cette occasion, à l’extrémité du Champ de Mars, près de l’endroit où l’inscription a été trouvée. Les cérémonies de jour eurent lieu une fois sur le Capitule, au temple de Jupiter et de Junon, et une autre fois sur le Palatin, au temple d’Apollon. Cent dix matrones furent désignées pour prendre part à la procession ; trente- sept garçons et autant de filles de race patricienne furent choisis pour chanter le cantique bien connu, le Carmen sœculare, qu’Horace, ainsi que nous l’apprend notre inscrip- tion, composa pour la circonstance. L’accompagnement était fait par les musiciens officiels — tibicines et fidic.ines — qui figuraient ordinairement dans les fêtes religieuses. Nous relevons ensuite une foule de détails précieux sur les sacrifices, sur les divinités auxquelles ils étaient offerts, sur le nombre et la qualité des victimes immolées, sur le rôle joué par les divers personnages. On est étonné, en lisant ce récit, de l’activité prodigieuse déployée par Au- guste durant ces trois jours et ces trois nuits. Rien n’a été omis dans ce consciencieux compte rendu : nous possédons même le texte authentique des prières adressées aux di- verses divinités à cette occasion. Les cérémonies religieuses furent suivies d’autres réjouis- sances, représentations sur divers théâtres, venaiiones,&lc., qui durèrent jusqu’au 12 juin. .Nous arrêtons là cette analyse. Elle suffit, croyons-nous, pour montrer toute l’importance de ce document, qui nous permet de nous rendre compte de l’éclat de cette célébration des Jeux séculaires, dont le récit des auteurs anciens ne nous donnait qu’un bien faible aperçu. Grâce à cette décou- verte, nous pouvons nous représenter assez exactement ce que pouvaient être, il y a près de 1900 ans, ces grandes cé- rémonies publiques, et péuétrer un peu plus avant dans la connaissance de la religion romaine. Pour en saisir tout l’intérêt, il faut se reporter au texte lui-même et au com- mentaire si lumineux de M. Mommsen, qui soulève et résout tant de problèmes. On pourra consulter également l’article si intéressant du conservateur du Musée des thermes de Dioclétien, dans la CidUua, le résumé si clair de M. Rodolfo Lanciaui dans VMheiKzam, etc. Académie des inscriptio.xs et belles-lettres.— M. Ascoli, professeur de grammaire comparée à Milan, connu pour ses savants travaux philologiques que l’Institut avait déjà con- ronnés, a été élu associé étranger, en remplacement de M. Gorresio, décédé. Académie des beaux-arts. — Les candidats au fauteuil de M. Élie Delaunay sont : .MM. Joseph Blanc, Edouard Détaille et Jules Lefebvre. L’Académie ajoute à la liste les noms de M.M. Aimé Morot et Luc-Olivier Merson. l’rix V’olney. — La commission de l’Institut décernera, en 1892, une médaille do 1500 francs à l’ouvrage de philo- logie comparée qui lui en paraîtra le plus digne. L’étude partielle ou d’ensemble, au point de vue comparatif et sur- tout historiquement comparatif, d’un ou plusieurs idiomes et celle d’une famille entière de langues, seront également admises à concourir. Les manuscrits et les ouvrages im- primés seront admis au concours; ces derniers, pourvu qu’ils aient été publiés depuis le 1" janvier 1891. Les ouvrages pourront être déposés jusqu’au l" avril 1892. J.-B. Mispoulet