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le courant du ve siècle, les Vandales s’installent en Afrique, les Wisigoths en Aquitaine et en Espagne, les Burgondes dans la vallée du Rhône, les Ostrogoths en Italie. Les Francs, qui se sont laissés devancer dans cette course au Midi, ne font pas exception à la règle générale. Clovis a tenté de conquérir la Provence et il a fallu que Théodoric intervînt pour l’empêcher de pousser les frontières de son royaume jusqu’à la Côte d’Azur. Mais ce premier insuccès ne devait pas décourager ses successeurs. Un quart de siècle plus tard, en 536, ils profiteront de l’offensive de Justinien contre les Ostrogoths pour se faire céder par Vitigès la région convoitée, et l’on n’a pas assez remarqué que, depuis lors, la dynastie mérovingienne tend inlassablement à devenir, à son tour, une puissance méditerranéenne. En 542, Childebert et Clotaire risquent une expédition, d’ailleurs malheureuse, au delà des Pyrénées. L’Italie surtout attire la convoitise des rois francs. Ils s’allient aux Byzantins en guerre avec les Ostrogoths puis avec les Lombards, dans l’espérance de prendre pied au sud des Alpes. Constamment déçus, ils s’obstinent néanmoins à pousser leur pointe vers la mer bleue. Déjà, en 539, Theudebert a franchi les Alpes, et lorsque Narsès, en 553, aura reconquis les territoires qu’il avait annexés, de nombreux efforts seront faits en 584-585 et de 588 à 590 pour s’en emparer de nouveau.

On peut donc affirmer que l’invasion germanique n’a pas mis fin à l’importance historique de la Méditerranée. Elle reste pour les Germains ce qu’elle était avant eux, le centre même de l’Europe, le mare nostrum. L’Italie continue même d’y jouer le rôle principal. C’est parce qu’il l’occupe que Théodoric (493-526) exerce sur les États barbares une hégémonie à laquelle Clovis ne cherche pas plus à se soustraire qu’aucun autre de ses contemporains. L’équilibre traditionnel est encore tellement puissant que, Théodoric disparu, Justinien (527-565) peut concevoir et presque entièrement achever la reconstitution de l’Empire romain. L’Afrique, l’Espagne, l’Italie sont reconquises ; la Méditerranée redevient un lac romain. Byzance, il est vrai, épuisée par l’immense effort qu’elle vient de fournir, ne peut ni parfaire ni même maintenir cette restauration