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de Vinci et de Vasco de Gama des événements ou des personnages médiévaux ! A fortiori, faut-il rejeter la date de 1559, alors que déjà s’obscurcit l’éclat de la Renaissance et que le Concile de Trente finit d’édifier l’œuvre de la Contre-Réforme. Il serait extravagant de caser parmi les questions d’histoire du moyen âge la Réforme et les guerres européennes du xvie siècle. « Je souhaiterais fort, pour la beauté de la chose, écrit M. Hauser, qu’on donnât un de ces jours à l’agrégation le sujet suivant : « Composition d’histoire du moyen âge : la Renaissance. » Ô Michelet ! qu’en dirait votre grande âme ? Et que deviendrait votre admirable introduction ?… On fera difficilement admettre à des historiens que la Renaissance fait partie du moyen âge[1]. » Et « on ne fera jamais croire à personne, sauf à un candidat à l’agrégation, que Luther ou Charles-Quint sont des gens du moyen âge[2]. ». D’ailleurs le système : 476-1559 ne pèche pas seulement par l’emploi de la seconde date, mais aussi par l’usage de la première dont la valeur est médiocre.

Quant à la thèse de M. Picavet, sa valeur est incontestable. La pensée chrétienne déborde à coup sûr des deux côtés le moyen âge proprement dit, avant le ve et après le xve siècle[3]. Mais l’extension proposée par l’auteur des Philosophies médiévales, parfaitement justifiée à condition qu’elle se renferme dans le domaine des idées, ne peut pas s’appliquer à l’étude des transformations politiques. S’il en était autrement, on en viendrait, de proche en proche, à allonger indéfiniment l’époque médiévale, à l’étendre d’une part jusqu’au jour où apparaît la première ébauche des conceptions du moyen âge, et d’autre part jusqu’au jour où a disparu — s’il a disparu — le dernier souvenir

  1. Revue internationale de l’enseignement, 15 mars 1909, p. 236.
  2. Revue historique, CXII, p. 235 (1913).
  3. L. Bréhier (loc. cit., p. 526) cite, à l’appui de la thèse de M. Picavet, un exemple intéressant : « En étudiant la série des commentateurs d’Aristote, édités par l’Académie de Berlin, M. Praechter a signalé une véritable coupure entre Alexandre d’Aphrodisias (198-211) et Porphyre (233-305). Le premier garde encore son indépendance et adopte parfois des solutions apposées à celles de son maître ; le second commence la série des commentateurs prudents qui se préoccupent seulement de rendre la logique aristotélicienne intelligible. Il a déjà l’esprit de la scolastique. »