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Sur le sens méconnu
de quelques mots homériques

(αἰόλος et ses dérivés)



Le terme αἰόλος est une épithète assez fréquente chez Homère, et qui reparaît çà et là dans la poésie postérieure. Voici comment nos dictionnaires[1], d’accord avec la tradition des grammairiens anciens, établissent la succession des sens de ce mot : 1. qui se meut rapidement ; 2. brillant ; 3. bigarré, versicolor (d’où variable, changeant) ; 4. (au sens moral) rusé, trompeur.

Les dictionnaires, de même que les lexiques spéciaux et les commentaires, tendent à expliquer par l’un des deux premiers sens, « rapide » ou ce « brillant » tous les emplois de αἰόλος chez Homère. Je voudrais démontrer ici que le mot αἰόλος n’a jamais à proprement parler aucun de ces deux sens dans l’épopée, et qu’il faut toujours partir du sens de versicolor, bigarré, c’est-à-dire marqué de couleurs qui tranchent l’une sur l’autre.

À première vue, il peut paraître étonnant que, depuis les anciens jusqu’à nos jours, les grammairiens se soient à ce point mépris sur la signification d’un pareil mot. Mais il faut songer que, dès l’époque alexandrine, beaucoup de termes homériques avaient cessé d’être vivants depuis des siècles, et qu’ils nous ont été expliqués par des savants de cabinet. Certes, ils avaient certains principes excellents. Aristarque, par exemple, disait qu’il fallait expliquer

  1. Les articles de Pape-Sengebusch, Liddell et Scott, Bailly, et de Passow-Crönert, le plus récent de tous, sont pour l’essentiel conformes dans leurs interprétations.