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vérité. Je n’ai pas lu, je le confesse, les quelques milliers d’articles que j’ai fournis sur la musique et les musiciens du Nouveau Larousse illustré, par conséquent pas plus celui sur la Critique musicale que tous les autres. Mais j’affirme, et j’ai le droit d’être cru parce que je n’ai jamais menti, que je ne m’étais pas cité parmi les critiques qui « aient pu acquérir l’autorité nécessaire pour exercer une véritable influence ». Je vous assure que je me suis pas encore à ce point ramolli. Je ne puis croire qu’une chose, et cela je le saurai bientôt, c’est que c’est la direction du Nouveau Larousse qui, dans le but de m’être agréable et ne songeant pas que l’article porterait ma signature, aura ajouté mon nom à celui des confrères que j’avais cru devoir citer.

Ceci dit, je constate avec plaisir l’attention avec laquelle vous voulez bien me lire et le soin que vous prenez de me railler à l’occasion sur tel ou tel sujet. Mon Dieu, nous ne pensons pas de la même manière, cela est certain, et notre façon de sentir diffère en quelque point ; reste à savoir qui a raison, de vous ou de moi. En matière d’art comme en toute autre, chacun a ses idées et ses opinions qui ne sont pas toujours celles du voisin. Je défends les miennes, parce qu’évidemment je les crois bonnes, avec toute l’énergie dont je suis capable. Est-ce que je suis plus ridicule que vous en défendant les vôtre ?

Ne prenez point ceci, toutefois, pour une réclamation, et croyez à mes meilleurs sentiments de confraternité,

Arthur Pougin.

Paris, le 28 Décembre 1904.

Nous prenons bien volontiers acte de la déclaration de M. Pougin, et reconnaissons avec plaisir qu’il n’y a dans toute cette affaire qu’une sottise de la direction du Larousse d’autant plus regrettable que l’article incriminé, s’il n’était pas signé, ne donnerait pas de prétexte à la discussion. Personne, en effet, ne songe à prétendre que M. Pougin n’est pas, en dépit de ses opinions réactionnaires, un de nos meilleurs critiques et historiens musicaux et nous trouvons très juste l’hommage, malheureusement gâté par une maladresse, qu’a voulu rendre le Nouveau Larousse au sympathique doyen de la presse musicale française.

L. V

Correspondance de Paris

M. Enesco, élève roumain du Conservatoire de Paris, se présente pour la seconde fois devant le public parisien avec une nouvelle Suite d’orchestre ; le Prélude est une sorte de chant populaire nerveux, assez décousu d’ailleurs, joué à l’unisson par tout le quatuor ce qui ne tarde pas à donner une impression de nudité ; la mélodie, libre et large, n’est pas pourtant assez extraordinaire pour qu’aucune harmonie n’en soutienne les contours sinueux coupés de brusques ressauts. Le Menuet ne manque pas de noblesse, ni l’Intermède d’agitation contenue, qui déborde dans le fougueux Finale, tarentelle fantasque et violente ; en somme, des idées claires et une facture correcte.

Si les sonorités de la Suite sont constamment très franches, on n’en peut dire autant de celles de l’Étude symphoniqueM. Kœchlin prétend noter l’extase d’un amoureux, en mer, la nuit ; le canevas de cette pièce purement orchestrale est une poésie de Heine, pleine de tendresse rêveuse et de charme, qualités que la traduction en langage symphonique ne conserve qu’en partie ; par l’absence de thèmes bien définis, le vague et l’imprécision des harmonies, la surabondance des dissonances chromatiques, cette œuvre exprime bien une douceur plaintive et de flottantes aspirations, mais les contours en sont tellement estompés que si l’auteur a voulu donner aux auditeurs une impression de monotonie et d’ensommeillement, il n’a pas trop mal réussi.

Pour en finir avec les premières auditions, citons pêle-mêle des Préludes seulement bizarres de Mme Rita Strolh, l’Ouverture, Variations et Finale pour piano de Guy Ropartz, des mélodies de Gaubert, joli accompagnement d’orchestre, et de poignantes complaintes de Moussorgsky ; une seconde exécution du Prélude, Choral et Fugue de Franck a permis de bien constater que certains passages, notamment les premières mesures du Prélude, sont défigurés par l’orchestration de M. Pierné, qui partage d’ailleurs