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est agréable d’adresser sans restriction des éloges sincères à cette artiste dont nous avons toujours loué la correction parfaite, mais chez qui nous n’avions pas remarqué, jusqu’à présent, cette note vécue, d’émotion profonde et simple qui caractérise sa création du personnage de Vita.

J’ai, par contre, peu goûté M. Dangès ; notre baryton n’a pas la simplicité sereine et grave qui conviendrait à l’Étranger et semble n’avoir pas bien saisi le caractère de son rôle ; mais sa voix est toujours jolie, sa diction très nette.

J’excuse parfaitement Vita-Claessen de manifester peu d’inclination pour son fiancé André-Servais (il aurait fallu, pour chanter le douanier, un ténor et non pas un ténorino d’opérette à la voix usée), et je l’excuse bien aussi de préférer converser avec l’Océan qu’avec sa mère, Mme Hendrick dont la diction n’est pas parfaite. Dans de petits rôles, Mlle Pierrick rappelle agréablement Mme Bressler-Gianoli, Mlle Streletski est naïve à souhait et Mme Lenté-Maître fait admirer son sourire et sa voix fraîche. Les chœurs sont suffisants, mais les choristes femmes exagèrent la vulgarité : ces marchandes de poissons ont des allures de poissardes.

La mise en scène est réglée par M. Lorant (de l’Opéra). Ce nom seul suffit à en indiquer le caractère folâtre. Notre incomparable régisseur rendrait, je crois, des points à M. Broussan, son gendre et directeur, pour la richesse de l’imagination et le caractère personnel des conceptions. Entre deux rochers de la Walkyrie et une vieille toile de fond mobile, nous avons eu jeudi une tempête peu banale. Tout Lyon voudra voir le féérique et réjouissant orage réalisé avec quelques rideaux de gaze et surtout grâce à l’aide de deux cantonniers municipaux chargés d’arroser rythmiquement la scène avec la projection verticale de leurs lances. Enfoncé le truc ingénieux et réussi des boulettes de papier d’argent inventé par le directeur de l’Opéra ! M. Broussan soit être fier ; M. Lorant doit être heureux !

Je ne m’amuserai pas à relever les mille détails ridicules de la mise en scène, me réservant de consacrer, à la fin de la saison, un article tout entier à la gloire de notre régisseur général parlant au public, et il vaut mieux adresser des félicitations à M. Flon qui a conduit son orchestre avec sa maîtrise habituelle. Tout n’était pas bien au point sans doute, mais M. Flon n’est pas responsable des inconséquences et de l’incapacité d’un directeur qui ne sait jamais au commencement d’une semaine ce qu’il jouera la semaine suivante. L’Étranger aurait eu besoin de huit jours au moins de répétitions supplémentaires ; malheureusement M. Broussan est pressé : il tarde à M. Jules Massenet de venir se faire acclamer dans notre bonne ville le jour de la création de sa dernière œuvre et, dans quinze jours nous aurons pour alterner avec de mauvaises exécutions de l’Étranger, de mauvaises représentations du Jongleur de Notre-Dame.

Gretna-Green

Il n’y a rien à dire du ballet de Guiraud qui accompagnait l’Étranger sur l’affiche et qui n’avait d’autre raison d’être joué que celle de faire prendre l’air aux costumes écossais d’Henri viii ensevelis depuis de longues années dans les coffres du Grand-Théâtre. Il fut fort bien dansé par l’exquise Joséfa Cerny, la belle Saint-Cygne, la charmante Ganetta, la pétulante Edoarda, la sculpturale Aubert, Arado aux bandeaux virginaux, Generali au nez plein de menaces, la blonde Colombo ii, la timide Smarazzo et un certain nombre d’autres jolies femmes que nous ne nommons pas, notre excellent confrère, L…, de l’Express, ayant négligé de nous donner leur signalement.

Léon Vallas.

Une lettre de M. A. Pougin

À propos d’une des Nouvelles diverses parues dans notre dernier numéro, nous recevons de notre éminent confrère M. Arthur Pougin la lettre suivante :

Monsieur et cher Confrère,

Ma défense est assez difficile au sujet d’une sottise que vous me prêtez, en la reproduisant avec empressement d’après un journal étranger, avec toutes apparence de raison d’ailleurs. Elle ne sera pourtant que celle de la