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2e Année No11
Dimanche 1er Janvier 1905

REVUE MUSICALE DE LYON

Paraissant le Dimanche du 20 Octobre au 1er Mai

Léon VALLAS
Directeur — Rédacteur en Chef

Principaux Collaborateurs
Louis AGUETTANT ; Alexandre ARNOUX ; Fernand BALDENSPERGER ; Gabriel BERNARD ; M.-D. CALVOCORESSI ; Gabriel CONDAMIN ; M. DEGAUD ; Henry FELLOT ; Daniel FLEURET ; Paul FRANCHET ; Vincent d’INDY ; André LAMBINET ; Paul LERICHE ; Edmond LOCARD ; A. MARIOTTE ; Marc MATHIEU ; Edouard MILLIOZ ; Antoine SALLÈS ; Jules SAUERWEIN ; Joseph TARDY ; Georges TRICOU ; Jean VALLAS ; Léon VALLAS ; G. M. WITKOWSKI.

Les Sonates pour Piano

de MOZART
Pour les jeunes filles qui ne jouent plus Mozart.

« En tout temps je me suis compté au nombre des plus grands admirateurs de Mozart, et je le resterai jusqu’à mon dernier souffle. »

Ainsi s’exprimait, le 6 février 1826, le grand Beethoven, dans une lettre à l’abbé Stadler[1].

« Mozart ? voilà belle lurette que je n’en joue plus, du Mozart » !

Ainsi s’exprimait récemment, parlant à ma personne, une alerte jeune fille dont on m’avait dit : « Elle est si musicienne ! »

Je voudrais persuader aux jeunes filles qui relèguent les sonates de Mozart dans le fatras des vieux cahiers d’enfance, qu’elles ont grand tort, qu’elles se privent des plaisirs les plus délicieux, des émotions les plus nobles et les plus séduisantes, des leçons de musique et d’art les plus exquises et que par engouement pour des maîtres (et des maîtresses) dont la vulgarité ou la frivolité (ou pis) ne laissent pas d’être compromettantes, elles renient le maître charmant (et fort) dont la grâce semblait faite pour leur grâce, et l’idéale pureté pour leur virginale adolescence.

Qu’a-t-il donc contre lui ce charmant Mozart, qu’on l’abandonne ainsi ?

Il a d’abord qu’on s’est lassé de l’entendre appeler le divin Mozart, ou qu’on pense, au prix de cette pieuse épithète, lui avoir rendu un culte suffisant.

Il a contre lui encore qu’on commet couramment la folle imprudence de le mettre entre des mains enfantines. C’est comme les fables de La Fontaine et l’adorable Esther de cet autre divin, Racine. Pour les avoir ânonnés enfant, il faut attendre d’être très vieux pour les pouvoir goûter d’un goût vif et ingénu.

Il a encore contre lui, ce prodigieux Mozart, que justement il fut un prodige.

Mes premiers vers sont d’un enfant.
Les seconds d’un adolescent.
Les derniers à peine d’un homme.

disait Musset en manière d’excuses. Mozart n’était qu’un bambino quand il se mêla d’écrire pour le clavecin. Musique d’enfant pour piano en enfance ? Voilà

  1. Correspondance de Beethoven, trad. J. Chantavoine.