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théâtre qu’il attirera le grand public de partout.

Enfin, la très grave, très aristocratique et très loyaliste Vossische Zeitung, dans un second article termine durement et lourdement sa critique en proclamant que le Roland a été une déception ; Leoncavallo n’est point un artiste, mais un simple artisan de valeur musicale. Dans ses précédentes œuvres il a voulu italianiser l’esprit wagnérien et a failli ; à présent il orchestre pathétiquement mais à vide, son orchestration peut être qualifiée de rumeur disciplinée. Les phrases musicales sont mieux venues que celles du dialogue et des récitatifs. En conclusion, 3 heures de tableaux vivants ! La faute incombe principalement au libretto mettant en scène, non des hommes, mais des fantoches !

Ces fantoches très intimes de l’Empereur, lui ont suffi, car Sa Majesté dirigeait les applaudissements en connaisseur initié. Son vieux cousin Albert de Prusse (compositeur de marches solennelles et de languides romances) pleurait, les petites Altesses, les charges de cour, manœuvraient fidèlement ; quelques belles et nobles dames, émues par les yeux vésuviens du maëstro, s’éventaient à coup précipités, la gorge haletante… l’Impératrice seule (souffrante, disaient les officieux communiqués) était absente de la loge impériale. Elle avait préféré se jouer à elle même quelque sonate de Beethoven, les tableaux vivants, les fantoches, même de la Maison de Hohenzollern, ne l’amusant plus !

l’Ermite wagnérien.

Chronique Lyonnaise

GRAND-THÉÂTRE

Rigoletto

La reprise de Rigoletto a montré une fois de plus que le temps est passé, à Lyon du moins, des musiquettes qui si longtemps bercèrent, de leurs mélodies banales aux rythmes carrés, la paresse psychique des foules, et qu’aujourd’hui il faut aux amateurs de théâtre, dont le sens musical s’est singulièrement affiné à l’audition d’œuvres modernes, autre chose que des « airs bien chantants », c’est-à-dire des opéras dans lesquels les éternels mouvements de valse et de polka, chers à l’école italienne, soient remplacés par les combinaisons recherchées du contrepoint le plus savant et de l’orchestration la plus subtile.

D’ailleurs, ces opéras de Verdi, très vieux, quoique relativement peu anciens, demandent et exigent, précisément parce qu’ils sont admirablement traités au point de vue vocal, des voix très belles que notre théâtre ne possède pas. La direction comptait évidemment beaucoup sur M. Dangès pour donner quelque éclat à la reprise de Rigoletto ; et il a paru que le rôle redoutable du bouffon est trop lourd pour notre excellent et intelligent baryton dont la jolie voix n’a rien à gagner à ces inutiles expériences.

Il y a peu de bien à dire de M. Soubeyran (duc de Mantoue) dont la bonne tenue et les si aigus sont seuls louables ; les autres personnages furent tenus de façon honorable par Mmes Milcamps et Hendrickx, MM. Bourgeois, Roosen, Van Laer, etc…

M. Flon conduisit la musique de Verdi, avec autant de soin que le Crépuscule des Dieux et M. Lorant fit preuve, comme toujours, de qualités très personnelles de metteur en scène.

L. V.

LES CONCERTS

Concert Capet-de Greef

La Société lyonnaise des concerts de musique classique compte un quart de siècle d’existence.

Elle n’a jamais failli au noble but qu’elle s’était assigné : faire entendre les plus belles des œuvres écrites par les grands maîtres pour piano ou musique de chambre, interprétées par les plus éminents artistes.

Au programme du premier concert de la saison qui a eu lieu le lundi 19 décembre, n’étaient inscrites que des œuvres de premier ordre. Deux artistes d’une réputation universellement consacrée, MM. de Greef, pianiste,