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revue musicale de lyon

L’art du Théâtre

Notre jeunesse, Monsieur de la Palisse, Par le fer et par le feu, telles sont les trois pièces qui ont fourni l’illustration du numéro de décembre de l’Art du Théâtre.

Ce nouveau numéro de l’Art du Théâtre contient quatre planches hors texte, deux esquisses de Paquereau pour les deux derniers actes de L’Embarquement pour Cythère, une autre esquisse du même décorateur pour le siège de Zbaraz, le tableau le plus applaudi de Par le fer et par le feu, un beau portrait de Mlle Robinne et une esquisse de M. Bertin pour le décor du deuxième acte de Monsieur de la Palisse.

L’Art du Théâtre est la moins coûteuse des publications théâtrales : le prix de l’abonnement annuel est de 20 francs.

Nouvelles Diverses

Dernier écho de l’inauguration du monument de Franck.

Un de nos plus amusants journaux parmi les journaux dit amusants reprend le curieux et très personnel discours de M. Théodore Dubois, que nous avons reproduit dans notre numéro du 6 novembre, et en commente un passage de la manière suivante :

… Puis l’auteur des Sept paroles du Christ nous apprend que, tandis que Franck jouait de l’orgue à Sainte-Clotilde, il lui tirait complaisamment les registres ; « Nous n’étions que trois à la tribune, déclare M. Dubois : l’auteur, Liszt et moi… humble ! »

C’est bien ça ! Franck jouait, Liszt écoutait et Théodore cherchait des allumettes !

La première représentation d’Hélène, de M. Saint-Saëns, a eu lieu au théâtre Lirico de Milan. Cette solennité artistique qui provoquait depuis quelques semaines une vive curiosité ici, avait attiré une foule considérable au Lirico : c’est devant une salle archicomble que le rideau s’est levé et c’est au milieu d’un véritable enthousiasme que la soirée s’est terminée. Rappelés dès la fin du premier acte, les artistes durent bisser les scènes principales, notamment le grand finale. La représentation terminée, le public debout, acclamant et trépignant, obligea Saint-Saëns à paraître sur la scène douze fois, d’abord seul, puis avec le chef d’orchestre, M. Mugnone, auquel revient l’honneur d’avoir conduit l’ouvrage du maître.

Le 20 novembre a eu lieu, à l’Opéra de Berlin, la trois-centième représentation des Huguenots, dont la première eut lieu en cette ville le 20 mai 1842.

On n’imagine pas quelle difficulté rencontra au début le chef-d’œuvre de Meyerbeer. Le parti catholique en Allemagne mena tout d’abord une campagne acharnée contre l’ouvrage, qui, à l’Opéra de Paris, lors de la première, le 29 février 1836, n’avait suscité aucune espèce de scrupule, en plein règne de Louis-Philippe. Le Courrier de la Bourse rappelle qu’à l’Opéra de Vienne on transforma le livret et que catholiques et huguenots devinrent des Guelfes et des Gibelins.

Ailleurs, l’action fut transportée à Pise, toujours à l’époque des Gibelins.

Pour l’Opéra de Munich, la romancière bien connue Charlotte Bierchpfeiffer, fut même chargée de transporter l’action en Angleterre et de sustituer à la lutte des catholiques et des protestants, celle des Anglicans et Puritains, et c’est sous le titre Les Anglicans et les Puritains que le 22 mai 1838, la partition des Huguenots transformée fut donnée à l’Opéra de Munich. On voit qu’à l’Opéra de Berlin, où Meyerbeer était en grande faveur, son ouvrage passa seulement beaucoup plus tard.

On avait fait croire au roi Frédéric-Guillaume iii que cet opéra était de nature à exciter les uns contre les autres ses sujets catholiques et protestants. Dans les salons de la princesse Augusta de Prusse, devenue plus tard l’impératrice Augusta, Liszt avait, il est vrai, donné lecture de fragments de la partition, Mme Ungher-Sabatier chantait le rôle de Valentin ; le ténor Mantius, celui de Raoul), mais c’est seulement après la mort de Frédéric-Guillaume iii, six années après la première à Paris, que les Huguenots furent enfin donnés à l’opéra berlinois.

Meyerbeer fut d’ailleurs dédommagé amplement de sa longue attente ; le succès de son ouvrage fut prodigieux et, peu après, le roi Frédéric-Guillaume iv décora Meyerbeer de la croix de l’ordre nouvellement créé Pour le mérite et le nomma directeur général de la musique en remplacement de Spontini.