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revue musicale de lyon


Chronique Lyonnaise

GRAND-THÉÂTRE

Salammbo

Salammbo obtient ici l’an dernier, dix-huit représentations, ce qui constitue un très grand succès. Certaines personnes s'étonnèrent de ce goût de nos compatriotes pour l’oeuvre de Reyer. Un tel engouement est parfaitement explicable ; la Presse tout entière avait chanté, en des panégyrique enthousiastes, la louange de l’oeuvre et de ses interprètes ; il y avait des décors neufs et très soigneusement brossés (un bel escalier surtout !), ce qui ne s'était pas vu dans notre ville depuis plusieurs années ; enfin la musique de l’oeuvre de Reyer ressemble à celle d’un autre opéra célèbre à tel point que les amateurs, en sortant du théâtre, peuvent fredonner du Sigurd en croyant chanter des « airs » de Salammbo… Et cette dernière considération, pour une bonne partie du public, n’est pas négligeable.

Mais je doute fort que cet opéra obtienne, cette année, plus de quatre ou cinq représentation. Tous les lyonnaises de Lyon, et aussi ceux de la banlieue grâce à de nombreuses matinées, ont en effet pu admirer le bel escalier que sait si bien dégringoler l’excellent Verdier et qu’il était convenable d’avoir vu, de même qu’il est indispensable, cet hiver d’avoir frissonné, au Cirque Bureau, en contemplant l’impressionnante trajectoire de l’Autobolide, ou d’avoir applaudi les somptueuses inepties de la Revue du Casino ; et, d’autre part, les amateurs qui constituent la vraie clientèle du Grand-Théâtre ne dissimulent guère l’ennui que leur procure l’audition de Salammbô, oeuvre très estimable par sa sincérité, mais, malheureusement, aussi maladroite et mal traitée que sincère.

D’ailleurs l’interprétation du Grand-Théâtre en dehors de M. Verdier ; admirable Matho et de MM. Roselli et Roosen, Hamilcar et Spendius convaincus, ne peut qu’accentuer les défauts de l’oeuvre, Mme Charles Mazarin a repris le rôle de Salammbo ; elle l’a pleurniché et hoqueté de la plus désagréable façon, (c’est sans doute ce qu’on appelle une interprétation très personnelle) ; M. Abonil a bien maltraité de sa voix rocailleuse et mal assurée, les mélodies de Schahabarim, et d’autres artistes pleins de bonne volonté, mais mal doués par la nature, ont été malgré leurs efforts, insuffisants dans les rôles secondaires de Giscon, de Narr-Hayas, etc.

L’orchestre s’est vaillamment comporté sous la ferme direction de M. Flon. Je crois inutile d’ajouter, une fois de plus, que la mise en scène,e réglée par M. Lorant (de l’Opéra) est absurde, mais réjouissante est pleine d’imprévu.

L. V.

LES CONCERTS

Société de Musique Ancienne

Devant un brillant et très nombreux auditoire d’amis, la Société lyonnaise de musique ancienne a donné, lundi dernier, une fort agréable soirée, la première de cette saison.

On sait, en dehors du charme de leur intimité, l’intérêt tout spécial de ces sortes de séances. Il réside dans ce fait qu’on y exécute généralement, sur le quinto, la viole d’amour, la viole de gambe et le clavecin, des oeuvres écrites, à des époques variées (xviie et xviiie siècles), pour violon, alto, violoncelle et piano. Cette intéressante tentative peut, à première vue, paraître quelque peu vaine et arbitraire : il n’en est rien. En effet, comme sut très bien le faire remarquer dans un copieux « avant-dire », le porte-parole de la Société, si les violes furent abandonnées, en principe, dès le xviie siècle, elles furent jouées encore concurremment avec le violon et le violoncelle longtemps après l’apparition de ces derniers. Et, dès lors, c’est bien, en dépit des apparences, une vraie reconstitution historique que l’exécution, sur les violes, des musiques écrites pour le violon par Corelli et ses contemporains, et cette reconstitution est aussi intéressante et opportune que celle qui consisterait, dans cent ans, à jouer, sur des