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tent de saisir et d’apprécier, dès maintenant, l’ensemble de sa méthode, et l’espérance de ses résultats. Et je voudrais en mettre au point, aujourd’hui, avec quelques modifications, et quelques idées nouvelles, un côté très spécial et nettement délimité, celui qui a trait à l’intelligence musicale.

J’entends par là, cette facette de l’âme qui regarde l’ensemble des sensations musicales, et qui se compose par conséquent, de toute la hiérarchie des phénomènes psychologiques, depuis la sensation et la perception, jusqu’à la mémoire, l’affectuosité et le jugement ; c’est-à-dire le total des états de conscience, élémentaires ou complexes, appliqués à un seul et même objet : la musique.

Nous verrons qu’en passant des phénomènes simples aux processus élevés, les systèmes psychométriques perdent progressivement de leur exactitude et de leur valeur ; nous chercherons alors, par manière de conclusion et de résumé, si des méthodes nouvelles on peut induire quelque approximation touchant l’estimation d’ensemble de l’intelligence musicale chez un sujet donné, si de telles recherches sont autre chose qu’un vain passe-temps, et s’il est possible d’en recueillir quelque fruit, et d’en tirer quelque vue générale.

Le plus simple des états de conscience, le plus voisin de la physiologie pure, le moins psychique, s’il est permis de s’exprimer ainsi, est évidemment la sensation. Elle peut, cela va sans dire, n’être que subconsciente. Lorsqu’elle est constatée et enregistrée par le moi conscient, elle devient la perception.

Or la limite de perception auditive varie suivant les individus. Il y aura donc une première sériation à pratiquer parmi les sujets en expérience, suivant qu’ils seront plus ou moins aptes à percevoir des sons, et que leur finesse auditive atteindra une plus faible sonorité.

Le dispositif adopté pour cette recherche, par Toulouse et ses collaborateurs est des plus ingénieux. Un flacon rempli d’eau distillée à une pression qui est maintenue constante, est muni d’un robinet laissant passer des gouttes d’eau du poids uniforme de 10 centigrammes. Ce flacon se déplace verticalement le long d’une crémaillère graduée, de telle sorte que la hauteur de chute d’une goutte d’eau soit aussitôt connue. La goutte tombe sur une petite plaque métallique inclinée, disposée au bas de la crémaillère. Le sujet étant assis à la distance acoustique optimum, c’est-à-dire l’oreille à 20 centimètres environ de la plaque sonore, on commence à faire tomber des gouttes d’eau d’une hauteur de 1 centimètre. Aucun bruit n’est perçu. On augmente l’élévation du flacon jusqu’à ce que le sujet accuse nettement une sensation auditive. L’acuité sensorielle sera donc immédiatement chiffrée en centimètres, et les résultats des expériences pratiquées sur divers sujets seront très simplement comparables ; ils disent la limite inférieure d’intensité à laquelle la vibration des arcs de Corti se transforme en états de conscience ; ils font connaître le minimum acousiesthésique pour l’intensité du son.

Restent à déterminer le minimum et le maximum perceptibles dans l’ordre de hauteur du son, c’est-à-dire les nombres maximum et minimum de vibrations audibles pour un sujet donné. Il semble à première vue que l’appareil le plus simple pour une recherche de cet ordre, consisterait en une corde unique fixée par un bout, et munie à son extrémité libre d’un poids tenseur graduellement accru. Un archet mû avec une force toujours égale (de façon à ne pas faire intervenir le facteur intensité), produirait d’abord une série de vibrations non audibles, puis le nombre-limite qui caractériserait le seuil de la perception. Ce premier chiffre obtenu, on augmente-