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À ces œuvres instrumentales de M. d’Indy, s’ajoutaient fort heureusement de curieuses mélodies populaires du Vivarais recueillies par l’érudit compositeur et que Mme Mauvernay a dites avec infiniment de finesse et de charme. Qui se serait jamais douté que Mme Mauvernay chantât si bien en patois provençal ?

Et l’on s’est donné rendez-vous au concert de mercredi. — L.

GRAND CONCERT DE LA SCHOLA

Après une année d’efforts et ses concerts de l’an dernier déjà très réussis, la Schola vient de nous donner hier soir une exécution excellente d’œuvres sérieuses, et cette réussite est le plus grand éloge qu’on puisse faire à ceux qui s’occupent de sa direction artistique et notamment à son chef si dévoué et inlassable, M. Witkowski qui, prenant pour lui la plus grande part du travail matériel et artistique, laisse toujours à d’autres maîtres l’honneur du triomphe.

Ce concert a été de tout point remarquable ; les chœurs parfaitement unis et admirablement souples, se prêtaient à toutes les nuances exigées par le bâton du maître, et l’orchestre avait une homogénéité et une perfection rarement obtenues à Lyon jusqu’à ce jour.

Un public très nombreux et comprenant tout ce qui s’intéresse aux arts dans notre ville se pressait dans la salle, il est à croire que c’est là l’inauguration des fortes recettes, juste récompense des efforts de la Schola dont les membres aussi bien actifs qu’honoraires n’ont pour but que la culture de l’esprit, la perfection de l’art et les jouissances artistiques de l’ordre le plus élevé, sans aucun sacrifice au cabotinisme ou à l’effet.

Ces sentiments sont des plus louables et dignes d’être encouragés par tout le monde en paxant soit de sa personne, soit de sa propagande, soit de ses deniers.

Vincent d’Indy qui dirigeait cet ensemble si homogène et vraiment impressionnant de 250 musiciens et choristes a montré ce que nous ignorions en général à Lyon, c’est qu’il ne se contente pas d’être un compositeur illustré, mais qu’il est encore un chef d’orchestre remarquable.

L’œuvre qu’il présentait : Le Chant de la Cloche, quoique déjà ancienne puisqu’elle remportait il y a dix-huit ans le prix de la Ville de Paris, donne à l’audition des impressions très diverses, beaucoup rappelant l’influence de Wagner, très explicable en se reportant à l’époque où d’Indy écrivit cette œuvre et où il était entièrement absorbé par lui. N’a-t-on pas dit qu’il allait à pied à Bayreuth entendre les œuvres de Wagner, pour y arriver dans un état d’âme plus propre à se pénétrer des divines harmonies de Dieu ?

Ce Chant de la Cloche dont la forme est très différente de la manière actuelle de Vincent d’Indy (ce que nous jugerons mieux après l’Étranger que va donner le Grand-Théâtre, est une œuvre très remarquable, offrant une écriture orchestrale des plus heureuses et des richesses harmoniques innombrables.

La simplicité du Baptême, la poésie de l’Amour et la fougue, la vie intense, le tumulte symphonique de l’Incendie, sont de genres très différents, et tout leur charme, toute leur vie, ont été bien mis en valeur, hier, par la Schola, en raison de l’intelligence que ses membres ont apportée pour saisir toutes les impressions voulues par leur chef.

Enfin l’exécution du premier acte d’Alceste dont Vincent d’Indy a rendu tout le caractère expressif et dramatique, a montré comment un maître tel que lui peut donner la vie à un chef-d’œuvre et le tort qu’on a parfois de trouver cette musique froide et monotone alors qu’il faut faire ce reproche non pas à Gluck mais à ceux qui interprètent ses œuvres sans intelligence ou sans compréhension.

Les solistes du concert étaient Mlle de la Rouvière, dont on n’a pas oublié le succès, il y a deux ans dans Hændel et qui prodigua, dans les grands airs d’Alceste les éclats de sa voix plus ferme et plus belle encore que jamais. Ces qualités de vigueur dramatique n’ont pas nui à celles toutes d’expression et de sentiment qu’elle déploya ensuite dans le duo de l’Amour du Chant de la Cloche avec Castel, notre ténor déjà connu, qui y fit également preuve de beaucoup d’intelligence artistique et d’une voix très souple et très sûre quoique peut-être un peu fatiguée l’autre jour.