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des difficultés au préjudice de la clarté ; je n’ai jugé estimable la découverte de quelque nouveauté qu’autant qu’elle était naturellement suggérée par la situation ou utile à l’expression ; et il n’est pas de règle d’ordre que je n’ai cru devoir sacrifier de bonne volonté en faveur de l’effet. »

Ces principes résument tous les devoirs du compositeur de musique dramatique. Le premier acte d’Alceste y est, d’un bout à l’autre, fidèle : confirmation admirable et complète du manifeste de la préface.

J.-J. Rousseau reprochait à Gluck d’avoir accumulé dans ce premier acte toutes les beautés de la partition au détriment des autres, où l’intérêt paraît aller diminuant et s’attiédir.

Remanié pour la scène française, Alceste fut donné, pour la première fois, à l’Académie Royale de musique, le 23 avril 1776, avec le plus grand succès.

Le Chant de la Cloche

Le maître fondeur Wilhelm, le principal personnage du Chant de la Cloche, expose lui-même dans le prologue, le sujet de la légende dramatique : « Ma dernière œuvre est à son terme : mes compagnons, robustes et puissants, briseront dès demain le moule qui renferme ma belle cloche aux sons retentissants. De la mort je sens les approches, mais avant de partir pour le monde inconnu, je veux revoir encore ces instants où les cloches ont influé sur ma vie et m’ont soutenu par de gais tintements ou par de doux reproches. Baptême… Amour… Victoire… Et toi, lugubre nuit, où je pleurai ma belle fiancée ; passez devant mes yeux, tableaux d’un jour qui fuit… Je vous évoque ! À vous ma dernière pensée. »

Et les tableaux suivants reproduisent ces différentes phases de la vie de Wilhelm. Le premier tableau, le Baptême, est occupé presque complètement par les chœurs qu’interrompt seulement le chant de sa Mère disant les souhaits qu’elle forme pour son enfant ; le second tableau l’Amour n’est qu’une tendre et chaste conversation entre deux fiancés ; dans l’Incendie, dès les premiers accords, l’horrible impression du tocsin dans la nuit se dégage puissante et sombre : ce sont les cris d’hommes fuyant épouvantés par l’incendie et la horde menaçante des rouliers. Wilhelm sort de son logis et arrête le peuple de sa voix énergique. La foule reprend le chant de guerre de Wilhelm, étincelant de lumière et de courage : « Prenez vos marteaux, compagnons. » Puis, quand les compagnons se sont armés, le maître fondeur invoque le Dieu protecteur des pieuses cités, et, brusquement, le thème court et brillant de l’allegro vivo entraîne la foule au combat et à la victoire.

CHRONIQUE LYONNAISE

La Première « d’Armide » à Lyon, en 1807

Nous avions cru, avec tous nos confrères, que Armide n’avait jamais été jouée à Lyon, avant les représentations actuelles. Notre distingué collaborateur Antoine Sallès, au cours de ses recherches à travers l’histoire musicale lyonnaise, vient de découvrir que le chef-d’œuvre de Gluck fut créé dans notre ville, au Grand-Théâtre des Terreaux, le 12 octobre 1807, c’est-à-dire trente ans après son apparition à l’Opéra. L’œuvre fut interprétée alors dans d’excellentes conditions par Mlle Lemesle (Armide), M. Labit (Renaud), Darius (le chevalier Ubald)… et remporta un grand succès.

Trois jours auparavant, le 9 octobre, avait eu lieu, sur la même scène, la première représentation de Joseph, et, comme on le suppose, les dilettantes lyonnais d’alors ne manquèrent pas de se livrer à de piquants parallèles entre Gluck et Méhul. Il se produisit même, à ce sujet, entre deux anonymes qui signaient, l’un de l’initiale D…, l’autre de l’initiale V…, une polémique assez intéressante, parue dans le Bulletin de Lyon, des 24 octobre, 18 novembre, 12 et 19 décembre 1807 et 2 janvier 1808, polémique dont voici quelques extraits d’après l’intéressant article publié par M. Sallès dans le Salut Public :