Vincent d’Indy[1]
e tous les disciples que groupa la
ferveur ingénue de César Franck,
aucun n’a repris et continué
avec plus de sincérité et d’éclat que
M. Vincent d’Indy la tradition léguée par
le maître. Une trentaine d’années de production
musicale, une sûre persévérance
dans le dessein et l’estime croissante du
monde artistique ont fait de lui un chef
d’école à son tour : aussi n’est-il pas prématuré
de jeter un coup d’œil d’ensemble
sur une œuvre qui, destinée à s’accroître
encore, est déjà hautement significative,
et par la personnalité qui s’y
révèle, et par l’évolution de la musique
symphonique française qui s’y manifeste.
C’est en effet l’histoire d’une pensée musicale
qui, influencée par le wagnérisme,
s’en dégage, retient quelques-unes de ses
conquêtes essentielles, mais s’inquiète de
n’en faire qu’une ressource parmi d’autres,
au service d’une très haute conception
d’art. Une émancipation de cette sorte ne
manque guère de suivre toute action
subie un peu profondément, et c’est à ce
prix seulement que les formules issues
des grands efforts artistiques cessent d’être
des moules rigides pour devenir des
acquisitions vivantes. Il semble que dans
l’œuvre de M. d’Indy — et c’est par là
qu’elle prend une signification qui s’ajoute
à ses beautés propres — cette marche en
avant se soit servie surtout de trois points
d’appui : un retour à ce qu’on pourrait
appeler les affinités locales, le rattachement
délibéré à la petite patrie, au pays ;
l’étude du passé de la musique et de ses
moyens successifs, avec la conscience très
nette des conditions et des nécessités de
son développement ; le souci, enfin, d’associer
la musique à de hautes préoccupations
qui font de l’art un des plus nobles
moyens que possède l’humanité d’élever
et d’augmenter sa propre valeur.
Dès 1868, Vincent d’Indy était, avec son camarade Henri Duparc, un lecteur fervent des partitions de Wagner : et ce fut, avec l’étude du Traité d’instrumentation et d’orchestration de Berlioz, la grande révélation de ses jeunes années. En 1873, un voyage en Allemagne le conduisait à Weimar, où il entrait en relations avec Liszt, un des plus dévoués et des plus actifs parmi les « patrons » de l’initiative de Wagner. D’Indy fut, en 1876, un des rares Français qui assistèrent à la première exécution de la Tétralogie à Bayreuth : n’insinuait-on pas qu’il faisait à pied, ces années-là, le voyage de Paris en Franconie, pour être plus sûr de se trouver, à la fin du pèlerinage, en parfait état de grâce ? Ses Tableaux de voyage, en tout cas, ont recueilli les impressions éprouvées le long des routes de Souabe ou de Bavière, Fête de village, Lac vert ou Départ matinal. Et quand Lamoureux prépara
- ↑ Quelques dates ; Paul-Marie-Vincent d’Indy est né à Paris le 27 mars 1851 ; élève de Diémer pour le piano, de Lavignac pour la technique de l’harmonie, de César Franck pour la composition ; élève en 1873 de la classe d’orgue du Conservatoire. Quelque temps organiste à Saint-Leu-Taverny, puis à l’église Saint-Leu de Paris, il fut jusqu’en 1878 timbalier et chef des chœurs aux concerts du Châtelet. La Forêt enchantée, poème symphonie, 1878 ; Quatuor piano et cordes, 1878 ; Wallenstein, 1873-81 (première audition intégrale au cours de la saison 1887-88, chez Lamoureux) ; Poème des Montagnes, suite pour piano, 1881 ; Helvetia, trois valses, 1882 ; Attendez-moi sous l’orme, opéra comique en un acte, 1876-78 (première représentation en 1882) ; Le Chant de la Cloche 1879-83) ; La Chevauchée du Cid, pour baryton, chœur et orchestre, 1883 ; Sauge fleurie, poème symphonique, 1885 ; Suite en Ré, 1886 ; Symphonie pour orchestre et piano, 1886 ; Trio, 1887 ; Fantaisie pour orchestre et hautbois, 1888 ; Sur la mer (voix de femmes), 1888 ; Tableaux de Voyage, pour piano, 1889 ; premier Quatuor, 1890 ; Fervaal, action musicale, 1889-95 ; Istar, 1896 ; Deus Israël, chœur, 1896 ; Médée, suite d’orchestre, 1898 ; Symphonie, 1903 ; l’Étranger, action musicale, 1898-1901, etc.