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Quant au développement, il n’est, chez Mozart et Haydn, jamais autre chose qu’un ingénieux travail des thèmes, se rattachant au principe en usage dans la fugue et sa portée spéciale sur la construction de l’œuvre ; cette sorte de développement est facile à prévoir, et qui connaît la première reprise d’une sonate ou d’une symphonie de l’un de ces deux maîtres peut, sans difficulté, reconstituer le reste. Il n’en est pas ainsi chez Beethoven et ses précurseurs ; ici, le développement, tout en restant, grâce à l’observation des lois tonales, partie constitutive et logique de l’architecture sonore, prend un intérêt, non plus de simple travail, mais je pourrais presque dire de psychologie musicale.

Comme points de comparaison, qu’on lise auprès du développement de l’une des plus belles sonates de Mozart, celle en ut mineur, de l’année 1784, l’étrange amplification enharmonique de la Fantaisie en la d’Emmanuel Bach et le récit initial (sur un groupe diatonique de cinq notes) de la Sonate en ut majeur de Rust, et l’on s’apercevra facilement de la différence essentielle qui existe entre la méthode de composition de ces deux ancêtres de Beethoven et celle de l’auteur de Don Giovanni.

Si je passe maintenant à la troisième caractéristique de l’œuvre beethovénien, l’avènement de la grande variation et son emploi comme moyen de construction cyclique, les contrastes s’accusent encore bien plus nettement.

Nous sommes loin du système ornemental de la variation Haydn-Mozart où la mélodie, en dépit des rubans plus ou moins colorés, des guirlandes plus ou moins fleuries dont ses maîtres savent rehausser son ajustement, reste invariablement dans le même caractère ; la variation béthovénienne, elle, est tout à fait l’opposé de celle-ci.

Provenant, peut-être, des séduisants ornements que nous rencontrons à profusion dans les monodies liturgiques médiévales, la variation s’amplifie mélodiquement avec Sébastien Bach et son école (voyez les Partitas et surtout les admirables chorals pour orgue) et aboutit chez Beethoven à son application la plus haute, soit, la présentation de thèmes-personnages dont la manière d’être se modifie suivant les phases de l’œuvre, de telle sorte, que chaque variation nous faisant connaître le personnage sous un aspect absolument différent, sans qu’il cesse pour cela d’être lui-même, nous pouvons ainsi pénétrer bien plus intimement sa nature.

Déjà, chez Emmanuel Bach, la tendance vers cette sorte de variation est appréciable (voyez le Rondo en si b), mais c’est surtout avec Rust qu’elle prend corps. Je n’en veux pour exemple que la belle sonate en ut majeur dont je citais tout à l’heure la page initiale, sonate bâtie entièrement sur l’air Malborough s’en va-t-en guerre. — Comment cette chanson satirique si française est-elle venue hanter l’esprit du maître de chapelle de Dessau ? — Quoi qu’il en soit, la chanson qui forme le thème principal de l’œuvre reparaît noblement variée et sensiblement modifiée dans les diverses parties. Il faut, du reste, faire la remarque que la Sonate en ut de Rust présente, dans sa conception générale les mêmes lignes, à peu de choses près, que quelques-uns des deniers quatuors de Beethoven : même abondance de mouvements, même enchaînement au moyen de récits, de ces mouvements aussi nombreux que différents ; de plus, sans toutefois en approcher comme résultat artistique, la façon dont l’auteur y traite le thème fait penser à quelques sublimes et impérissables variations, celles du Douzième quatuor, par exemple, ou encore les trente-deux merveilles sur le vulgaire et inspire air de valse de Diabelli (op. 120).

Comme conclusion à ce travail, je