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fini par s’en détourner, pour s’enquérir d’une direction où leur personnalité propre pourrait se mouvoir plus à l’aise. Plus éclectique et moins exclusif que le correspondant anonyme auquel a répondu M. Lalo, je consens aussi à ne pas rabaisser à la valeur d’un simple éternuement, des ouvrages tels, par exemple, que Pelléas et Mélisande, et je suis le premier à proclamer que la jeune école française issue de César Franck, est en droit de revendiquer à son honneur des productions qui ne sont nullement négligeables. Mais il y a loin de là à soutenir, ainsi que paraît le faire M. Lalo, que la gloire de Wagner en a subi quelque éclipse.

De ce qu’un genre nouveau a succédé à un autre, il ne s’ensuit pas que le premier soit condamné et que le second lui doive être préféré. Pourquoi ceci tuerait-il cela, si cela a toutes les raisons du monde de vivre ? Il n’est apas défendu de rendre justice à Watteau ; il n’en est pas moins vrai que Rembrandt et Vélasquez restent intacts et intangibles et qu’ils l’emportent encore sur lui dans l’admiration des hommes. Il en est de même de Wagner, et son règne, quoi qu’on en pense, n’est pas près de finir, parce qu’encore une fois il plane trop haut, pour être probablement jamais dépassé.

Aussi bien, aurait-on peine à discerner par qui, à l’heure qu’il est, il pourrait être menacé. Mon éminent confrère a beau dire, Pelléas et Mélisande n’a reçu jusqu’ici que la consécration d’un succès des plus relatifs, limité à un public choisi et restreint de dilettantes, et, en dehors de l’Opéra-Comique, aucun théâtre ne s’est encore risqué à le monter. L’Étranger de d’Indy qui n’est, au surplus, sous le rapport du sujet au moins, qu’une réplique presque littérale du Vaisseau-Fantôme de Wagner, n’a pas mieux réussi à l’Opéra de Paris qu’à la Monnaie de Bruxelles ; je ne pense pas, en toute sincérité, que de longtemps ni l’un ni l’autre de ces deux ouvrages soit appelé à de très fructueuses recettes. Serait-ce par hasard des Mascagni, des Giordano, des Leoncavallo, voir des Erlanger, des Reynaldo Hahn, de tous les succédanés de Massenet, en faveur desquels il a été dépensé, ces derniers temps, une si furieuse réclame, que M. Lalo attendrait l’ère nouvelle, dont il me semble saluer l’aube avec un peu trop de précipitation ? J’aime à croire qu’il ne l’espère, ni ne le désire, et qu’il serait le premier à déplorer que le goût du public s’égarât jusqu’à se laisser prendre au faux éclat de cette bimbeloterie musicale. Heureusement, je le répète, nous n’en sommes pas là, tant s’en faut.

(À suivre),

Antoine Sallès.

« LES HUGUENOTS »
Jugés par SCHUMANN

Cet article parut en 1837, après la deuxième représentation des Huguenots à Leipzig, dans la Neue Zeitschrift für Musik que Schumann avait fondée trois ans auparavant. On sait que Schumann resta dix ans à la tête de son journal dont les articles de critique musicale ont été recueillis et publiés en quatre volume sous le titre de : Mélanges sur la musique et les musiciens.

Je suis aujourd’hui comme un jeune et vaillant guerrier qui pour la première fois tire son épée dans une grande affaire ! Comme si ce petit Leipzig, où plusieurs questions mondaines ont déjà été mises sur le tapis, devait encore débrouiller les questions musicales, il s’est produit le fait qu’ici l’une après l’autre, pour la première fois vraisemblablement, les deux plus importantes compositions de l’époque ont été exécutées, les Huguenots de Meyerbeer et le Paulus de Mendelssohn. Ici, où commencer, où s’arrêter ? De rivalité, de préférence accordée à l’un ou à l’autre, il ne saurait être question. Le lecteur sait trop bien à quelle tendance cette revue s’est vouée ; il sait