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Les journaux italiens sont unanimes à déclarer que la Cabrera, partition du jeune compositeur Gabriel Dupont, qui a remporté le prix de 50.000 francs au concours ouvert à Milan par le célèbre éditeur Sonzogno, est un ouvrage des plus remarquables.

« Après le résultat des deux premières soirées, dit le Trovatore, on allait assister à la troisième avec une véritable défiance, quoique M. Dupont eût choisi un livret de M. Cain, où au moins l’on voyait agir de véritables êtres humains, et où se détachait une figure de femme intéressante, passionnée et très bien caractérisée. La connaissance qu’on avait que l’auteur, retenu en France par une grave maladie, n’avait point de partisans au théâtre, laissait supposer que cette fois du moins on n’aurait pas le spectacle d’un succès imposé par la violence. Et c’est ainsi, au milieu d’un silence presque funèbre, que commença la représentation de la Cabrera.

Mais voici que, peu à peu, la musique s’impose, douce et mélancolique, l’attention du public devient plus vive, si bien qu’au monologue de la Cabrera éclate un premier et chaleureux applaudissement, précurseur du triomphe, lequel après l’exquis intermède symphonique, se dessine complet et, ce qui vaut mieux, sincère et sans équivoque possible. À la fin de l’opéra, quand la Cabrera, épuisée par la souffrance, est tuée par la joie que lui cause le pardon de celui qu’elle aime, le public a fait une longue et spontanée ovation à l’auteur absent, qui, s’il avait pu l’entendre de son lit de douleur, en aurait certainement éprouvé un indicible soulagement. Il ne pouvait y avoir de doute sur le résultat du concours après ces trois exécutions, et le prix était assigné au maestro Dupont pour sa Cabrera. Il est douloureux pour nous, Italiens, d’avoir été distancés par un maestro français ; mais nous devons baisser la tête et nous consoler avec cette pensée que la patrie de l’Art est le monde, et que, devant une œuvre d’art, il n’y a pas à soulever de questions de clocher. »

Un autre journal, il Mondo artistico, écrit de son côté : — « Il est incontestable que le compositeur possède une connaissance sérieuse et large de tout ce que l’art moderne des sons peut fournir comme moyens d’expression. Malgré cela, loin de trop se complaire dans les effets pour eux-mêmes, M. Dupont n’en a usé qu’en rapport avec la source poétique et dramatique de l’opéra. Le public a été doucement caressé d’abord, ému ensuite. Et le succès du jeune Français inconnu a été sinon le plus bruyant, au moins le plus convaincu de tous. »

Un troisième, le Corriere della sera s’exprime ainsi : — « … Il n’y a point d’airs, point d’invectives, point de violences de notes aiguës et de sonorité orchestrales. Le jeune maestro a répudié les vieilles formules mélodramatiques. Il cherche une nouvelle forme dans la merveilleuse et singulière puissance suggestive de l’harmonie, dans la mystérieuse correspondance des timbres d’instruments avec nos sentiments. Il tente d’atteindre notre émotion par des voies nouvelles. Il ne veut pas tant exprimer que communiquer l’âme de ses personnages. Sa musique éveille ainsi en nous des sensations nouvelles et profondes. Nous nous sentons transportés par elle dans une atmosphère de poésie, nous trouvons en elle une essence d’art noble et pur… »

Représentation d’été à Munich

Pour les représentations des œuvres de Richard Wagner, cette année (du 12 août au 11 septembre), au théâtre du Prince-Régent, la direction musicale a été répartie comme il suit :

Vendredi 12 août : Tristan et Iseult, chef d’orchestre : Weingartner.

Dimanche 14 août : Le Vaisseau fantôme : Félix Mottl.

Lundi 15 août : Les Maîtres chanteurs de Nuremberg : Arthur Nikisch.

Jeudi 18 août à dimanche 21 août : 1er  Cycle de l’Anneau du Nibelung : Félix Mottl.

Mercredi 24 août : Tristan et Iseult : Franz Fischer.

Vendredi 26 août : Le Vaisseau fantôme : Félix Mottl.

Samedi 27 août : Les Maîtres chanteurs : Arthur Nikisch.