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ces beaux passages mélodiques que Fétis critiquait imbécilement, « parce qu’ils l’empêchaient de sentir où commencent les airs. »

« Mais d’autres — récitatifs ou airs — restent très formulaires, et son médiocrement inspirés. D’autre part, le décor que Gluck sut le premier évoquer musicalement, avec quelle sobre et juste puissance ! n’existe guère que dans cette scène du temple, si grande et si vraie, dont toutes les parties s’enchaînent et s’équilibrent avec un art merveilleux. Le reste de l’ouvrage semble comme abstrait, malgré le charme des mélodies qui donnent à la pure figure d’Alceste une si noble tendresse, et malgré quelques-uns de ces instants de beauté indicible, où l’on ne sait quoi de la musique exprime tout à coup et ce qui entre dans l’œil d’un personnage, et ce qui sort de son cœur, et son geste, et la pitié de ceux qui le considèrent, et celle, dirait-on, de la nature elle-même…… »

Nous aurons à notre tour l’hiver prochain l’occasion de traiter également cette question Gluck lors des représentations annoncées d’Orphée, d’Iphigénie et d’Armide.

Le Concours Sonzogno

C’est le 20 mai, dans le foyer du Théâtre-Lyrique de Milan, que se réunit le jury du concours de Sonzogno pour l’attribution du prix de 50.000 francs destiné au meilleur des trois opéras choisis pour l’épreuve de la représentation. M. Massenet n’ayant pu se rendre à Milan pour cause d’indisposition, les membres présents ont offert par acclamation la présidence à M. Humperdinck. À la séance étaient absents aussi M. Thomas Breton, retenu à Madrid par d’importants concerts, et M. Campanini, occupé à Brescia par les préparatifs de la saison d’opéra qui va s’ouvrir au Grand-Théâtre. Voici le texte du rapport présenté par le jury :

CONCOURS SONZOGNO
Attribution du prix de 50.000 francs.

« Après l’audition répétée des trois opéras admis à la représentation publique sur la scène du Théâtre-Lyrique de Milan, le jury du concours Sonzogno s’est trouvé en présence de deux ouvrages d’une réelle valeur : la Cabrera, de Gabriel Dupont, et Manuel Menendez, de Lorenzo Filiasi.

« Il est reconnut dans le premier toutes les qualités exigées par le programme du concours, c’est-à-dire la valeur du livret, une musique écrite avec la simplicité de moyens et en même temps correspondant au progrès raisonné de l’art musical de nos jours, et enfin le plein effet scénique de l’ouvrage sur le public.

« Dans le second, le livret lui a paru moins réussi, quant à la vérité et à l’intérêt de l’action ; et la musique, tout en révélant la richesse de la veine mélodique, une ferveur juvénile et un sentiment vif de la théâtralité, n’offre point la conduite savante et l’unité de l’autre.

« Les deux jeunes artistes présentent les caractères spéciaux des écoles de leur pays respectifs ; mais M. Dupont incarne le moment musical présent, tandis que M. Filiasi parfois ne détache pas son esprit du passé.

« Quant au troisième ouvrage, il Domino azzurro, de M. Franco Da Venezia, le jury apprécie bien l’élégance de la forme, mais ne rencontre pas les conditions propres à la musique théâtrale exigées par le concours.

Ceci établi, le jury, à l’unanimité des membres présents, adresse à M. Filiasi de vives félicitations pour sa partition, dans plusieurs morceaux de laquelle se révèle le talent de l’opériste, et proclame le maestro Dupont vainqueur du prix unique et indivisible.

Milan, 20 mai 1904.
« Le Jury : E. Humperdinck, président, Jan Blockx, Asger Hamerik, F. Ciléa, Amintore Galli. »