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personnels par quoi la saison écoulée mérite l’attention d’une critique sérieuse. Et tout d’abord nous nous demanderons ce qu’elle nous a donné en fait d’œuvres nouvelles.

Nous essaierons ensuite de rechercher vers quelles œuvres du passé paraît s’orienter le goût du public ; et, passant ensuite du grand public de la masse à cette élite qui devance et domine, par ses jugements sûrs et précis, les jugements confus et instinctifs de la foule, nous essaierons de nous demander, avec toute la réserve et toute la modestie qui sont de mise quand on essaie de pronostiquer l’avenir, nous nous demanderons vers quelles destinées paraît marcher l’art musical en général et l’art musical français en particulier.

Nous pouvons passer rapidement sur les œuvres qui n’apportent rien de nouveau, ni dans l’écriture, ni dans la pensée, ni dans la conception du drame lyrique. De ce nombre est la Tosca que l’Opéra-Comique a donnée en octobre dernier. Certes il ne faudrait point méconnaître chez Puccini une certaine habileté dans l’art de ménager les effets scéniques : il était par là très digne de devenir le collaborateur de Victorien Sardou. Il a aussi de l’école italienne cette richesse mélodique tant vantée que, pour notre part, nous trouvons très au-dessous de celle de M. Rodolphe Berger. Il ne faut pas lui refuser non plus une connaissance des gros effets orchestraux, des formidables contrastes de timbres ; mais cet art ne lui est pas personnel, et pour quiconque a entendu les Pirates de la Savane, il est évident qu’il appartient également à des musiciens de la plus contestable valeur. Il nous reste donc à nous demander ce qui distingue Puccini des autres Italiens dont nous eûmes à subir les œuvres ces dernières années : rien, absolument rien, si ce n’est une sorte de pudeur, qui l’empêche de se laisser glisser jusqu’au fond de l’abime de vulgarité, où se complaît un Léoncavallo. Différence de degré, et c’est tout.

Nous passons sur la reprise d’Hérodiade que l’on ne saurait considérer comme une première, et nous dirons un mot seulement de la Flamenca. M. Lucien Lambert a prétendu y faire œuvre de pittoresque vérité. Pour y mettre la couleur locale, il y a introduit de force une riche collection de thèmes espagnols, créoles et américains. Le résultat en fut une salade indigeste, une piteuse arlequinade. C’est un peu ce qui se passerait si un auteur dramatique pensait faire revivre une époque dans sa vérité historique, par le seul fait qu’il louerait quelques centaines de costumes et d’oripeaux authentiquement anciens. Derrière le vêtement il y a le corps humain : derrière l’Espagnol ou le Yankee, l’homme, avec ses passions et ses douleurs : c’est là la matière de tout drame, lyrique ou autre. Bizet le savait ; M. Lambert ne s’en est pas douté.

Brisons l’ordre chronologique et venons à la Fille de Roland. Sur un livret tiré du drame de Henri de Bornier, M. Rabaud, auteur estimé de la Procession Nocturne, a écrit une musique sage et bien faite, telle que pouvait l’inspirer l’ombre vénérable du vieil académicien. Si l’on peut reprocher quelque chose à M. Rabaud c’est une certaine mollesse dans le sentiment dramatique. Son œuvre est plutôt une suite de morceaux excellents qu’une musique directement issue de l’action scénique, mais il faut louer les qualités techniques de premier ordre dont il a fait preuve.

M. Xavier Leroux l’auteur de la Reine Fiammette, a, lui, l’avantage d’un tempérament. C’est-à-dire qu’il y a dans son œuvre ce je ne sais quoi de spontané et de vivant, qui caractérise le vrai dramaturge lyrique, mais son écriture est un peu inégale ; il y a dans son style des disparates et des trous fâcheux. Il y