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1re Année
No27
Mercredi 20 avril 1904

REVUE MUSICALE DE LYON

Paraissant le Mercredi de chaque Semaine, du 15 Octobre au 1er Mai

Léon VALLAS
Directeur-Rédacteur en Chef

Principaux Collaborateurs
L. AGUETTANT ; Fernand BALDENSPERGER ; Gabriel BERNARD ; M.-D. CALVOCORESSI ; M. DEGAUD ; FASOLT et FAFNER ; Henry FELLOT ; Daniel FLEURET ; Albert GALLAND ; Pierre HAOUR ; Vincent d’INDY ; JOWILL ; Paul LERICHE ; René LERICHE ; Edmond LOCARD ; Victor LORET ; A. MARIOTTE ; Edouard MILLIOZ ; J. SAUERWEIN ; Georges TRICOU ; Jean VALLAS ; Léon VALLAS ; G. M. WITKOWSKI

LA TÉTRALOGIE

L’éminente artiste qui a incarné de si admirable façon les héroïnes de Wagner sur notre scène lyrique a bien voulu écrire pour les lecteurs de la Revue Musicale de Lyon quelques impressions sur la signification morale des personnages tétralogiques.

Nous saisissons cette occasion pour adresser une fois de plus à Mademoiselle Louise JANSSEN, l’hommage de notre profonde admiration.

La ville de Lyon est, en France, parmi celles où le goût musical est le plus développé. Avec bien des imperfections, sans doute, mais cependant d’une façon hautement satisfaisante, une partie considérable de l’œuvre de Wagner vient d’y être interprétée. Je voudrais qu’il me soit permis de noter quelques observations.

Il est certain que la Tétralogie ne peut être intégralement comprise sans une étude préalable. Il est loisible qu’elle plaise ou déplaise : on n’a pas le droit de la juger sans la connaître. Toute œuvre d’art, tableau, livre, comédie ou sculpture, nécessite, chez celui qui la prétend apprécier ou veut en jouir, d’abord une culture générale suffisante, ensuite un travail spécial d’appropriation individuelle.

La Tétralogie est comme le reste. Un spectateur ignorant les légendes qui sont à la base de toutes les mythologies, indoue ; grecque, scandinave, germanique ou chrétienne, ignorant à plus forte raison la vie et le caractère de Wagner, ses passions politiques, musicales et littéraires, son idéal, pourra sentir l’émotion nerveuse produite par les purs sont physiques d’une musique extrêmement pleine et troublante. L’homme est, de sa nature, impressionnable par le son. Mais il ne jouira pas de l’œuvre d’art.

Je me permet de reprocher à la critique lyonnaise, pourtant fort éclairée et compétente, de n’avoir pas assez vivement mis en lumière, ce qu’il était nécessaire de faire savoir. On a raconté à satiété le poème sur qui est écrite la musique. Une notable partie du public a pu trouver puérile et parfois grotesque, l’histoire de Wotan, de Siegfried et de Brunhild. On n’a presque pas pris le soin d’avertir les auditeurs que la Tétralogie n’était pas simplement l’histoire des Niebelungen mise en opéras. C’est avant tout une œuvre littéraire, philosophique, presque politique.

Wagner a publié son poème vers 1852, avant qu’une note de la partition ait été écrite. Voulait-il bavarder sur des scènes de mythologie ? Non pas. Depuis 1848, il faisait de la politique socialiste. Il avait