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brise la lance de Wotan et s’élancer sans peur dans les flammes pour conquérir la Walkyrie.

M. Verdier a justement obtenu un très grand succès et a été vigoureusement acclamé par la salle tout entière.

Le Crépuscule des Dieux

Du Crépuscule des Dieux, œuvre gigantesque et synthèse de la Tétralogie tout entière, nous n’avons rien à dire puisque l’interprétation est celle de la création dont notre excellent collaborateur Edmond Locard a dit, il y a trois mois, les qualités remarquables. Rappelons seulement que Mlle Janssen et M. Verdier y dont admirables, que M. Sylvain serait un parfait Hagen s’il ne recherchait pas trop ses fameux « jeux de scène » ; enfin que Mlle Domenech, Norne et Waltraute bourgeoise à l’excès, chante scandaleusement faux. Un seul début à noter : celui de Mme Davray dont la voix pointue, les grâces mièvres et la belle robe brodée d’or sont également déplacées dans le personnage de la fille des Gibichungen.

L’Orchestre

Le meilleur des représentations, nous le devons à l’orchestre. Certes il ne fut pas exempt de défaillances et certaines parties furent assez médiocrement tenues : cors, trompette basse[1], saxhorns. Pour ces derniers pupitres il serait à souhaiter que la ville de Lyon, qui a la louable prétention d’être la Wagnéropole française, fasse l’acquisition de ces excellents tüben allemands dont les sonorités puissantes et amples surprennent toujours dans les représentations d’Outre-Rhin nos oreilles habituées aux sons peu étoffés des saxhorns français.

Une amélioration importante, c’est le remplacement par quatre cors supplémentaires des saxhorns alti qui, l’an dernier, égrenaient de si déchirante façon l’accord de mi bémol du prélude de l’Or du Rhin : de là une exécution bien meilleure de cet adorable début du Rheingold avec les chants des Nixes, si purs, si berceurs, aux contours mélodiques si enveloppants.

Notons l’heureux renforcement de certains pupitres (seconds violons, violoncelles) tendant à donner à l’orchestre un peu de cet équilibre qui lui fait encore défaut dans bien des parties surtout dans la Gœtterdemmerung dont la merveilleuse oraison funèbre pour la mort de Siegfried ressemble un peu trop, par suite de l’écrasement des cordes par les bois et les cuivres, à un arrangement pour musique militaire.

Dans l’ensemble, il faut louer grandement M. Philippe Flon : l’orchestre, sous sa direction, a fait preuve de rares qualité de cohésion et de souplesse, de sonorité et d’expression. On a pu lui reprocher une trop grande mise en valeur des moindres détails qui nuit un peu à la solidité du bloc wagnérien, mais la lumineuse clarté de la Walkyrie, la gigantesque et ruisselante musique de Siegfried a chanté bellement à nos oreilles ravies, éclatante et vive comme l’épée brandie par le jeune héros. Citons la très bonne exécution de tous les passages purement symphoniques en dehors de la marche funèbre du Crépuscule : finale du Rheingold, Chevauchée des Walkyries, et Incantation du feu, Murmures de la forêt, ce tableau ravissant de poésie et de grâce naïve, la Traversée du feu où les thèmes en s’enlaçant, se juxtaposant et s’enchaînant, produisent le plus merveilleux éblouissement sonore ; enfin la Rheinfahrt du Crépuscule des Dieux.

Nous sommes heureux d’adresser nos vives félicitations à M. Flon à qui seul nous devons les rares bonnes soirées théâtrales de cet hiver.

La Mise en Scène

La mise en scène, si importante dans les œuvres wagnériennes est généralement incohérente et ridicule. On peut relever à chaque scène des inexactitudes et des erreurs qui indiquent chez le régisseur une intelligence notable du drame et de la musique ; je me bornerai à citer quelques fautes parmi les plus grossières.

Dans l’Or du Rhin au premier tableau, quand le trésor confié aux Ondines rayonne au sommet du roc que doit frapper une clarté nouvelle, nous voyons simplement une lampe électrique s’allumer brusquement ; de même dans la Walkyrie, lorsqu’un rayon lumineux

  1. Pour être complet, disons que le pupitre de la trompette basse a pour titulaire un instrumentiste excellent trop souvent remplacé par un médiocre apprenti.