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lung sans avoir à sa disposition des artistes pouvant doubler les titulaires des principaux rôles ; or, si nous exceptons Mlle Janssen qu’auraient pu remplacer en cas de besoin Mme Mazarin, artiste tout-à-fait insuffisante, dans Sieglinde et Mme Claessen dans Brünnhild du Crépuscule, nous constatons que si l’un quelconques des chanteurs avait été malade, la Tétralogie n’aurait pu être exécutée. C’est là une faute d’organisation impardonnable. Mais on sait bien que tout en notre Grand-Théâtre s’improvise au jour le jour et que, un mois avant la création du Ring, la direction n’avait pas encore choisi les artistes chargés de tel rôle important, celui de Wotan ou de Brünnhild, par exemple.

D’autre part, M. Broussan savait parfaitement que l’interprète du rôle de Fricka était insuffisante et que l’artiste chargée du personnage d’Erda ne pouvait chanter, sans de graves défaillances, un rôle exigeant de l’ampleur et une grande sûreté vocale.

Enfin, si l’exécution vocale du Ring a été généralement suffisante et l’interprétation orchestrale, toujours bonne, toute la mise en scène fut réglée de lamentable façon et c’est à cause de cela surtout que les représentations lyonnaises de la Tétralogie ont pu être qualifiées de parodie par des musiciens sérieux et compétents.

Sans vouloir apprécier si durement les soirées wagnériennes de notre théâtre, nous les estimons tout-à-fait insuffisantes dans l’ensemble et nous rejetons toute la faute sur l’incapacité notoire d’une direction que n’ose plus défendre aujourd’hui même ses plus zélés partisans ; il serait urgent que la Mairie fasse choix d’un autre directeur dont la valeur artistique puisse sauver la réputation si compromise de notre théâtre, en suivant simplement point par point le remarquable programme que M. Augagneur avait très nettement établi dans son projet de mise en régie des théâtres municipaux.

L’interprétation vocale

L’Or du Rhin

La représentation, assez bien commencée, se termina au milieu des protestations et des sifflets de tout le public. M. Seguin, Wotan d’une prestance superbe et vraiment digne du Dieu du Walhall, après avoir chanté avec grande autorité, mais d’une vois fatiguée, les deux premiers tableaux, fut pris d’une aphonie subite qui l’obligea à mimer tout le troisième acte. La Direction ayant refusé de réclamer l’indulgence[1] pour l’artiste indisposé, quelques murmures et chut ! se sont fait entendre, qui dégénérèrent en de violents sifflets, quand apparut Mlle Domenech (Erda), qui chanta ses conseils prophétiques dans une tonalité non prévue par Wagner. Ces deux accidents mécontentèrent vivement le public qui, déjà clairsemé à cette première représentation, vint en nombre très réduit aux représentations suivantes[2].

L’ensemble de la soirée, en dehors du troisième acte rendu parfaitement incompréhensible par l’abstention vocale de M. Seguin et en partie parodié par les innovations de Mlle Domenech, fut assez intéressant. M. Cazeneuve reprenait le rôle de Loge, créé par lui l’an dernier. Très en progrès, ayant mis à profit les exemples scéniques de M. Brisemeister, de Bayreuth, son remplaçant éventuel de la saison précédente, l’excellent artiste réalisa avec beaucoup de vie et d’entrain ce personnage de Loge auquel le prédispose peu son physique et chanta avec un grand style et une diction remarquable les difficiles récits de son rôle. M. Dangès, qui possède également un bel organe et une excellente diction, dit malheureusement face au public toute la scène du fond du Rhin et ne lança pas son terrible anathème avec la puis-

  1. Ces procédés nouveaux, inaugurés par M. Broussan, ont été stigmatisé en excellent termes par notre confrère le Salut Public et nous nous associons de tout cœur à sa protestation. Le public, qui paie très cher sa place, a droit à des égards.
  2. Les Lyonnais, rendus méfiants par l’interprétation désastreuse de la Walkyrie, reprise il y a un mois, n’ont pas « donné » pour la Tétralogie : fauteuils d’orchestre et de balcon étaient à moitié occupés ; les secondes et les quatrièmes galeries fort peu garnies ; seules, les troisièmes étaient complètement prises.