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Chronique Lyonnaise

GRAND-THÉÂTRE

La saison s’achève misérablement. Les représentations lamentables de Faust, du Caïd ou de Mignon données à prix réduits ou très réduits n’attirent plus personne. Nous ne voulons pas juger encore l’ensemble de la saison théâtrale, mais il nous est impossible de ne pas constater la déchéance profonde et vraiment scandaleuse de notre Grand Théâtre, au moment même où la Municipalité voudrait faire de cette scène, la première scène de province, en organisant des représentations de la Tétralogie qui, si elles ne provoquent pas l’émotion artistique presque européenne annoncée par les communiqués officiels, suffiront pourtant, au moment opportun, à convaincre le Conseil municipal de la bonne organisation du théâtre, de la compétence et du noble effort d’un directeur dont les qualités artistiques et administratives ont fait tomber complètement et en moins d’une année, nos deux théâtres, de comédie et d’opéra.

Samedi, pour occuper une soirée, en attendant les relâches quotidiennes de cette semaine, a été donnée une reprise des Dragons de Villars. La salle était presque vide. Aucun de nos confrères de la Presse quotidienne ou hebdomadaire : cette abstention unanime et peut-être unique dans les annales du Théâtre est très significative. Il n’y a rien à dire du reste de cette représentation qui fut des plus ternes malgré les louables efforts de Mlle de Véry (Rose Friquet). Mme Vialas fit admirer son sourire et sa parfaite insuffisance vocale ; MM. Dufour et Merle-Forest, leur talent de comédiens ; le ténor Boulo fut égal à lui-même. L’orchestre était dirigé par son second chef dont nous avons souvent signalé le manque d’autorité ; c’est dire que les musiciens ont grandement manifesté leur indépendance et se sont reposés des fatigues que leur cause la préparation de la Tétralogie.

Léon Vallas.

Une audition privée du

« MAGNIFICAT » de BACH

Un de nos collaborateurs remarquait, il y a huit jours, dans un article sur les Lieder français, que l’habitude se perd chez les amateurs de « faire de la musique » ; on se contente généralement aujourd’hui, disait-il, de « causer musique ». Il y a heureusement quelques salons encore où l’on fait de très bonne musique ; dernièrement n’assistions-nous pas à une intéressante soirée où l’on put applaudir le quatuor Zimmer assisté, au piano, par une de nos meilleures pianistes-amateurs ? Et dimanche encore, nous avions le grand plaisir d’être conviés à une audition qui pourra compter aussi parmi les meilleures de cet hiver.

M. Joseph Tardy, qui a tant fait pour la musique et surtout pour la propagation de l’œuvre de Wagner dans notre ville, réunissait dans ses salons un certain nombre de musiciens pour leur faire entendre une des plus belles œuvres religieuses de J. S. Bach, le Magnificat à cinq voix, encore inconnu à Lyon.

Après avoir dit, en excellents termes, la grandeur et la simplicité de l’œuvre du vieux Cantor où le contre-point le plus serré et la fermeté scolastique s’allient à la plus merveilleuse clarté et à une splendeur mélodique incomparable, M. Tardy laissa la parole aux chanteurs, Mme Anrès, Mlles Nantas et Tardy, MM. Kaeuffer et Marcel Carrier, tous amateurs, qui, sous la direction de notre rédacteur en chef, Léon Vallas, firent entendre le Magnificat.

L’explosion d’allégresse du premier morceau, la joie naïve et confiante de l’air du second soprano, Et exultavit, qui se continue avec plus d’ampleur dans le Quia respexit pour aboutir au chœur éclatant Omnes generationes ; le solo de la basse d’allure très solennelle et le duo de l’alto et du ténor, Et misericordia, que l’on aurait tort de chanter lentement et avec un caractère plaintif et douloureux que rien ne justifie puisque ce verset est simplement l’affirmation de l’étendue de la miséricorde divine ; le chœur majestueux Fecit potentiam où, sur une proclamation vigoureuse, se brode une large vocalise que toutes