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1re  Année
No24
Mercredi 30 Mars 1904

REVUE MUSICALE DE LYON

Paraissant le Mercredi de chaque Semaine, du 15 Octobre au 1er  Mai

Léon VALLAS
Directeur-Rédacteur en Chef

Principaux Collaborateurs
L. AGUETTANT ; Fernand BALDENSPERGER ; Gabriel BERNARD ; M.-D. CALVOCORESSI ; M. DEGAUD ; FASOLT et FAFNER ; Henry FELLOT ; Daniel FLEURET ; Albert GALLAND ; Pierre HAOUR ; Vincent d’INDY ; JOWILL ; Paul LERICHE ; René LERICHE ; Edmond LOCARD ; Victor LORET ; A. MARIOTTE ; Edouard MILLIOZ ; J. SAUERWEIN ; Georges TRICOU ; Jean VALLAS ; Léon VALLAS ; G. M. WITKOWSKI

lieder français

(suite)

Henri DUPARC

C’est à un âge où la plupart des jeunes gens en sont encore à chercher leur voie, parmi l’encombrement des carrières et l’incertitude de l’avenir, que Henri Duparc écrivit les œuvres remarquables, qui ont consacré sa réputation, non auprès du grand public, encore mal informé, mais dans l’estime des musiciens et de trop rares critiques, attentifs à l’évolution des originalités et au progrès des talents naissants. Anciennes par la composition, modernes par les tendances qu’elles dénotent, ces œuvres n’ont été éditées que récemment, sur les instances des amis de Duparc et malgré leur auteur, qui voulait détruire ces rares, mais suggestives mélodies, dans un incompréhensible accès de modestie exagérée et de scrupules artistiques, malheureusement introuvables chez tant de musiciens habiles et audacieux, véritables commerçants de l’Art, d’une douteuse probité intellectuelle. Cet inexplicable mécontentement de lui-même, ce pessimisme dangereux, sorte de douloureuse névrose, dont Henri Duparc souffre depuis plus de vingt ans, doivent être attribués à plusieurs causes, dont la principale réside certainement dans l’acceptation, par le musicien encore jeune, de charges administratives, source de tracas innombrables, que ne put surmonter la délicatesse féminine de sa complexion artistique. C’est au pays de Marnes, où Duparc allait régulièrement passer six mois d’été — de 1880 à 1885 — dans une maison de campagne appartenant à ses parents, que la considération dont jouissait sa famille, valut au compositeur l’honneur d’être élu maire de sa commune. Duparc abdiqua promptement cette charge, pour laquelle il était naturellement peu fait, et, neurasthénique, découragé presqu’avant la lutte, il partit soigner une névrose persistante à Monein, dans les Basses-Pyrénées, où la solitude lui fut excellente, au double point de vue du travail et de la santé. Depuis ces dernières années, Duparc vit fort retiré, à Paris ou Versailles, dans l’isolement le plus complet, ne cherchant qu’à faire oublier — suivant sa propre expression — « sa triste personne, dont il n’y a rien d’intéressant à dire » [1].

  1. Henri Duparc souffre cruellement de cette impuissance (est-elle bien réelle ?), que sa neurasthénie lui exagère encore. « Vous vous trompez, nous a-t-il dit maintes fois, en croyant que, si je