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tionnelle pour exécuter ces neumes qui, dès lors, devaient paraître longs et même ridicules. Le graduel dont nous parlons fut édité (1614) par une imprimerie fondée grâce au Cardinal Ferdinand de Médicis, d’où le nom de Médicéenne donné à cette édition qui devait, deux siècles et demi plus tard, être l’occasion de si passionnées controverses mais qui, à l’époque, ne fut admise que par quelques églises.

Aux xviie et xviiie siècles parurent plusieurs éditions écourtées, celles de Valfray, de Nivers, adoptées par les diocèses de Lyon, de Clermont, de Digne, de Reims et de Dijon. Les éditions conformes aux anciens manuscrits, c’est-à-dire les éditions non écourtées, demeurèrent, mal transcrites, souvent, très mal interprétées toujours et ce fut ainsi jusqu’au moment où les travaux si savamment exécutés et les controverses si vaillamment soutenues par Don Guéranger au sujet de l’introduction de la litturgie romaine en France ramenèrent l’attention sur le chant ecclésiastique. Plusieurs éditions parurent : celle de Malines reproduisant, avec beaucoup de modifications, la Médicéenne de 1614 ; celle de la commission de Reims et Cambrai (1852), copie du très précieux manuscrit de Montpellier (xie siècle), écrit en double notation, littérale et neumatique ; celle de l’abbé Raillard, sensiblement pareille à celle de Reims, mais dont l’interprétation proposée par son auteur modifiait profondément le sens ; une autre enfin, destinée dès maintenant, et fort heureusement, à mourir de sa belle mort, je veux dire l’édition dite officielle publiée chez Pustet de Ratisbonne en 1873, comme édition authentique, et approuvée par la Congrégation des Rites.

Les éditions de l’abbé Raillard et de Reims et Cambrai avaient déjà mis en honneur le projet de restauration du plain-chant suivant les manuscrits ; les Bénédictins travaillaient dans le même sens, quand, en 1873, l’éditeur Pustet publia, avec privilège accordé par la Congrégation des Rites propriétaire du manuscrit original, une copie de l’édition Médicéenne de 1614. Le Pape Pie ix, vivement désireux de voir l’unité s’établir pour le chant liturgique comme elle venait de s’établir pour la liturgie elle-même, fit savoir que sa volonté était qu’on adoptât partout cette nouvelle édition. Le Pape Léon xiii fit sien en 1878 le désir de son prédécesseur. Mais le mouvement d’opinion en faveur d’une restauration archéologique et non pas simplement autoritaire du plain-chant, commençait à s’étendre. L’édition officielle avait ses tenants, surtout parmi les peuples du Nord, chez qui la hiérarchie venait d’être rétablie et qui, trouvant indiqué par l’Église un livre de chants, l’avaient adopté, sans regretter des mélodies plus riches qu’ils ignoraient ; le manuscrit de Montpellier avait pour lui toute l’école Bénédictine, Français et Belges. C’est au plus fort des discussions entre « autoritaires et archéologues » que s’ouvrit en août 1882, à Arezzo, un congrès en l’honneur du 7e centenaire de la naissance de Guy d’Arezzo. Qui voudrait s’édifier sur le calme qui régna dans ce Congrès, sur la sérénité toute scientifique qu’y apportèrent bien des congréssistes, n’aura qu’à parcourir, d’une part, la brochure que l’abbé Lans a publiée chez Pustet sur le Congrès, d’autre part le journal l’Univers de cette époque : dans sa brochure, l’abbé Laus, prenant fait et cause pour les Allemands, grands défenseurs de la congrégation des Rites, écrase de plaisanteries lourdes comme les pavés de sa bonne ville hollandaise tous les adversaires de l’édition officielle ; dans l’Univers, un correspondant acerbe ne ménage pas aux ennemis de la restauration archéologique des réponses qui, pour être plus aériennes que celles de M. Lans, n’en sont pas moins mordantes et d’ail-