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moderne. Le traître se pend classiquement avec sa ceinture. Nous voilà loin de Strauss, de Renan, des gnostiques et des caïnites. Ceci d’ailleurs n’est pas un reproche.

La partition empruntée aux meilleures sources, avait été arrangée par le Kappelmeister Maillot, qui avait déjà sur la même scène organisé une fort intéressante représentation du Mystère de Noël. La musique du drame de la Passion avait été prise pour les deux premières parties à Bach et à Hændel et pour le Chemin de Croix à Alexandre Georges. Le désaccord qui semble au premier aspect résulter du voisinage de ces deux écoles si différentes, s’est trouvé n’être en fait qu’un agrément de plus : les pages exquises de Hændel, la simplicité merveilleuse de Bach formaient un contraste intense, mais nullement déplaisant avec l’œuvre colorée, vivante, moderne, orchestralement surtout, d’Alexandre Georges.

L’orchestre, qui comptait cinquante instrumentistes, a donné, grâce à sa disposition sous la scène les meilleurs effets de sonorité et de fondu. Il convient de louer grandement M. Maillot pour la mise au point remarquable à laquelle il est arrivé, et, plus encore peut-être pour les résultats excellents qu’il a obtenu de ses chœurs : ceux-ci, bien que n’étant pas composés de professionnels, ont interprété d’une façon tout à fait intéressante les pages les plus complexes de la partition, et notamment cet admirable O vos omnes, de Vittoria, d’autant plus difficile qu’il est chanté sans accompagnement.

Aux récitants, MM. Millet et Morin, était confiée la tâche de dire les thèmes de Bach, dans les deux premières parties : ils l’ont fait, l’un avec un talent indiscuté ; l’autre, d’une très belle voix, au timbre chaud et sympathique.

Quant aux rôles scéniques, ils étaient tenus exclusivement par des amateurs, dont une légère pointe d’accent lyonnais ne déparait pas les qualités de conviction et de sincérité. Citons avec éloge l’artiste chargé du rôle de Juda, dont la diction sobre et la bonne tenue scénique, ont mis en lumière une des plus curieuses pages du drame.

En résumé, nous sommes heureux d’applaudir à une initiative des plus honorables, dans une ville où les initiatives sont rares et méritoires. Le drame de la Passion fait le plus grand honneur à ceux qui l’ont organisé et spécialement à l’excellent chef d’orchestre Maillot. C’est une chose trop exceptionnelle de voir le peuple s’intéresser à une musique aussi purement classique que le Bach et le Hændel, pour que la Revue Musicale ne l’ait pas signalé et n’y ait pas applaudi.

Edmond Locard.


Nouvelles Diverses

Le privilège de M. Albert Carré, comme directeur de l’Opéra-comique, vient d’être renouvelé pour sept ans.

Depuis la création du théâtre de Bayreuth, aucun artiste français n’a été admis à chanter dans le temple élevé à la mémoire de Wagner ; il n’en sera pas de même cette année, et c’est Mlle Louise Grandjean, de l’Opéra, qui aura l’honneur de représenter le chant français, en interprétant le rôle de Vénus, de Tannhæuser, en allemand.

La troisième symphonie de M. Gustave Mahler, directeur de l’Opéra de Vienne, vient d’être jouée avec succès à Munich. Ce n’est pas une œuvre nouvelle ; elle remonte à 1894, mais elle présente d’assez curieuses particularités pour mériter notre attention. Son auteur est, avec Richard Strauss, le représentant le plus en vue de l’art symphonique contemporain en Allemagne. Son ouvrage comprend deux parties : la première sans subdivision de morceaux, la deuxième en comportant cinq. La partition est écrite pour quatre flûtes grandes ou petites, quatre hautbois ou cor anglais, trois clarinettes en si , la troisième jouant parfois sur la clarinette basse, deux clarinettes en mi bémol, quatre bassons ou contre-basson, huit cor en fa, quatre trompette en fa ou si bémol, quatre trombones et basse-tuba, trois timbales, deux jeux de cloches, tambourin, tam-tam, triangle, cymbales, tambour, grosse caisse avec cymbales adhérentes, baguettes pour frapper sur le bois de la grosse caisse, deux harpes, instruments à cordes très nombreux. Il faut, en outre, une interprète femme pour chanter une partie de contralto-solo, un chœur de femmes, et, placés assez loin, un cor de chasse en si