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plets, pas beaucoup, et pas bien compliqués. Ainsi transformé, le Légataire rappelle ces pièces (précisément toujours en 3 actes) auxquelles une réglementation barbare due au gouvernement impérial (le second) obligeait d’infliger des couplets pour qu’elles pussent être jouées dans les théâtres non subventionnés (Gymnase, Vaudeville), les pièces sans chansons étant réservées aux seuls théâtres nationaux[1].

La musique de M. Pfeiffer n’est pas bien méchante : soyons comme elle ; citons avec éloge la jolie mélodie : « Tu la connais depuis longtemps, mon adorée, » avec son allure de romance, un peu vieux jeu, un peu Si j’étais roi, mais si gentille ; l’air « trente ans, trente ans, landerirette » vieillottement guilleret, avec son appoggiature sénile, et son air sautillant de petit vieux qui suit les grisettes ; le trio de l’apothicaire, qui serait drôle s’il était enlevé ; le quatuor du fils posthume, d’une si folâtre ressemblance avec le trio « Eh pardieu oui ! C’est une femme. » des Mousquetaires au Couvent ; la fugue de la léthargie, régulière comme un canon et beaucoup moins ennuyeuse que celle de Samson ; une récidive de la romance initiale, et c’est tout.

Au fond, tout cela est très gentil : c’est évidemment très supérieur aux Cloches de Corneville mais il n’apparaît pas que cela soit bien plus savant que les Mousquetaires ou Boccace. C’est de très mignonne opérette. Rien de plus, et n’était l’âge et la position éminente de l’auteur, on serait presque tenté de dire que c’est une œuvre de jeunesse, sans aucune prétention harmonique ni orchestrale. Il y avait un moyen de sauver la situation, c’était de brûler les planches, de jouer avec un entrain endiablé, de supprimer les entr’actes, et d’en faire une bouffa, une farce italienne. Mais on a déclaré en haut lieu qu’un spectacle du samedi devait finir tard pour que le bon peuple en ait pour son argent : nous nous inclinons respectueusement devant ces hautes considérations d’esthétique.

L’interprétation a été très bonne : MM. Merle-Forest, Vialas, Dufour, Roosen, la délicieuse Mlle La Palme, la gentille Mlle Gavelle (une révélation Mlle Gavelle en perruque rousse) ont fait ce qu’ils ont pu pour extraire quelques bravos d’un public revêche.

Edmond Locard.

LES CONCERTS

Symphonie Lyonnaise

(3 Février)

Le concert (le troisième de la saison) donné mercredi dernier, par la Symphonie Lyonnaise, avec son programme très varié, a montré nettement à l’excellente compagnie si activement dirigée par M. Mariotte, quelle est pour elle la ligne à suivre dans la composition de ses programmes.

Les œuvres classiques jouées l’autre jour (Symphonie en et ouverture de Coriolan) ont reçu une interprétation tout à fait intéressante, tandis que les œuvres modernes España, de Chabrier, et surtout l’ouverture des Maîtres Chanteurs avec sa redoutable polyphonie, ont été quelque peu sacrifiées. Ces œuvres exigent, en effet, chez les exécutants des qualités de justesse et de précision que peuvent difficilement obtenir des amateurs, surtout avec un nombre relativement restreint de répétitions. Il n’en reste pas moins que même dans ces œuvres modernes, les amateurs de la symphonie ont fait preuve d’excellentes qualités.

L’exécution de la Symphonie en ré de Beethoven fut remarquable et vraiment très bonne, si l’on oublie un défaut de justesse assez sensible dans le premier morceau. M. Mariotte a conduit avec le plus grand soin cette œuvre si pure et si noblement expressive. L’orchestre a chanté avec beaucoup de finesse la beauté candide du larghetto et on ne saurait lui faire un reproche des changements de mouvements apportés à cette partie. Ces légères modifications n’ont nullement nui à la beauté des mélodies et à aucun moment, quoiqu’on en ait dit, n’ont transformé cet andante en mouvement de valse ; elles sont du reste très nettement indiquées par Beethoven lui-même et par ses commentateurs. Dans son ouvrage bien connu sur Beethoven, Schindler qui fut le fidèle com-

  1. C’est ce qui explique les couplets de la Dame aux Camélias.